28 novembre 2008

Soap blog

Des fois, je me dis que tout ce qui manque dans ma vie pour qu’elle soit un film, c’est un narrateur. Une belle grosse voix virile qui commenterait toutes mes allers et venues, tous mes déboires et mes étonnements, mes coups de cœur et mes coups sur la gueule. Voilà tout ce que ça me prendrait pour que mon existence soit digne d’être projetée sur grand écran. Parce que le reste, le scénario bien fignolé, les rebondissements inattendus, les rencontres improbables, les aventures arrangées avec le gars des vues, je les ai. J’enregistre même des surplus, certaines années.

Matthieu. Mon ex-ex. Celui qui a décidé de réapparaître soudainement dans ma vie, par une froide nuit de novembre; celui qui a cru bon me faire une belle surprise en venant squatter mes escaliers; celui-là, oui, eh bien, il se méritera probablement l’Oscar de la meilleure interprétation masculine dans le film de ma vie cette année. Et ça, c’est en plus du Golden Globes qu’il aura préalablement raflé dans la catégorie rôle de soutien. Du soutien, c’est justement ce dont il aurait besoin, ce fou. Matthieu confirme la règle à laquelle je n’ai encore trouvé aucune exception : je n’ai eu pour copains que des névrosés.

Flasback.



***




Travelling avant, zoom sur Sophie qui affiche un air éberlué. Il est 19h00 passé. Matthieu vient de revenir. Il avait quitté l’appartement tôt le matin sans laisser de note. Sophie ne savait toujours pas pourquoi il était venu trouver refuge chez elle.


-T’étais passé où?
-J’avais des trucs à régler.
-Ouais, je me doute ben que si tu t’es retrouvé chez nous, c’est parce que tu as beaucoup de choses à régler et que je suis ta dernière personne ressource. Probablement parce que tu dois de l’argent à toutes les autres!
-Parlant d’argent…
-Viens pas me dire que t’as besoin que je t’en prête?!
-Juste 500$, et je te le remets d’ici un mois, promis!
-Comment JUSTE 500$! Cibouare Matth, j’suis étudiante moi, au cas où tu le savais pas! Je vis moi-même sur des prêts, comment tu veux que j’te fournisse 500$, de même?!
-Non mais, c’est beau, si tu veux pas m’aider, j’vais trouver un autre moyen!
-Hey, ça suffit le chantage là! Si je voulais pas t’aider, j’t’aurais pas accueilli chez nous sans poser de question. J’me trouve déjà pas mal généreuse de t’offrir le bed and breakfast mon gars. À qui tu dois de l’argent?
-…
-Peut-être que je serais mieux d’inverser ma question : à qui est-ce que tu n’en dois pas, ça va être moins long d’établir la liste!
-Ben voyons, c’est pas si pire que ça là!

Connaissant Matthieu, « pas si pire que ça », ça doit vouloir dire qu’il s’était endetté auprès d’au moins dix ou douze débiteurs différents. Rien de moins. Matthieu est un optimiste, il voit toujours le verre à moitié plein; il se dit qu’au moins, ce n’est pas vingt personnes qui lui courent après. Le verre. Il me donne envie d’en vider un, d’un coup : virgin vodka derrière la cravate, histoire de me détendre l’œsophage un peu. Ce gars me donne la nausée.

-Juste 200$ d’abord?! Peux-tu me prêter juste 200$?! C’est ce que je dois à Tiger, pis lui, ça presse son affaire. Il m’a dit qu’il allait passer en fin de soirée pour récupérer son dû.
-Passer en fin de soirée?! Où ça exactement, « passer »?!
-Ben, ici.
-QUOI?! Tu lui as donné mon adresse, à ce sale dealer?! No way!
-Ben voyons, y’est pas dangereux!
-Non, pas dangereux, pas dangereux du tout… ! Laisse-moi juste te rappeler qu’il t’a déjà envoyé à l’hôpital à coups d’uppercuts et de jabs! Monsieur était fâché parce que tu faisais supposément de l’œil à sa meuf!
-C’est de l’histoire ancienne ça, sois pas si rancunière!
-Toi aussi, t’es de l’histoire ancienne Matthieu, je tiens à te le rappeler. C’est pas pour rien que je t’ai crissé en dehors de ma vie et là, toi, tu t’y es invité de nouveau sans trop me demander la permission, alors laisse-moi imposer mes limites maintenant. Tiger viendra pas icitte ce soir. Tu vas le rappeler pour lui dire que tu vas aller le rencontrer dans un bar de danseuses, je sais pas moi, quelque chose qui fait mafia un peu, vous vous la jouerez sérieux, mais il ne mettra pas ses grosses pattes sales de félin affamé chez nous certain.
-C’est beau, j’ai compris. Estie que t’as pas changé toé, t’es aussi stock up qu’avant!

Stock up! Elle est bonne celle-là! À peine était-il rentré que Matthieu a de nouveau déguerpi, en ne prenant même pas soin de nouer ses lacets. J’ai secrètement souhaité qu’il s’enfarge dans l’un de ces fils pendouillants et qu’il se plante dans les escaliers. Qu’il se la pète la gueule, solide. Qu’il fasse une commotion cérébrale et que ça lui remette les idées en place un peu. Que sa tête aille se percuter contre un mur et que ça lui fasse voir un peu de lumière. Qu’il arrête de réfléchir comme un gamin de quinze ans et puis qu’il arrête de fuir, merde. Au moins, si tu fuis mec, avant de prendre tes jambes à ton cou, attache-les comme il faut tes bottes.

À onze heures, Matthieu n’était toujours pas revenu de sa randonnée de plaisance. J’étais un peu inquiète, mais je n’avais pas envie de me faire du mauvais sang de mère pour lui. J’ai projeté mon angoisse sur un gros sac de pop corn bien salé, bien beurré, que j’ai engouffré en regardant des épisodes de Heroes.

Au moment où Claire Bennet était en train d’essayer de se ramancher l’épaule droite, après avoir survécu à une chute de plus de dix étages, on a sonné à ma porte. J’ai cru l’espace d’un instant que c’était Sylar qui était venu pour me trancher le cerveau en rondelles et s’approprier mon super pouvoir – celui de me mettre constamment les pieds dans les plats –, puis je me suis dit que Sylar ne devait pas se donner la peine de sonner avant de pénétrer chez ses victimes. Et je me suis dit que Matthieu non plus ne prendrait pas la peine de sonner avant de ne pas s’excuser et de pénétrer dans mon appartement comme s’il s’agissait de ses appartements. Je suis allée ouvrir, inquiète, un bout de pop corn de pris entre deux molaires et du beurre plein les doigts.

C’était Tiger.

Si j’avais un narrateur dans ma vie, c’est à ce moment là qu’il aurait dit : « Rien ne va plus pour notre héroïne. Malheureusement, c’est l’heure de la pause publicitaire. Restez parmi nous pour savoir ce qui arrivera à notre chère Sophie. De retour dans un instant… »


Fondu sur fond blanc. Coupez!

5 commentaires:

SAndrine a dit…

Aaaaah! J'espère que la pause publicitaire ne sera pas trop longue... J'aime pas ça les pauses publicitaires! :)

Anonyme a dit…

J'attend la suite :)

Anonyme a dit…

Bien hâte de lire la suite !:)

olimax a dit…

Pas original, mais moi aussi j'ai hâte de lire la suite.

Cindy a dit…

Quand est-ce que tu sors les DVD? On va pouvoir sauter les annonces!