09 novembre 2008

Le coup

Vendredi soir, j’ai pris mon courage à deux mains-fraîchement-manucurées (y’a des gens qui se rongent les ongles quand ils sont stressés, moi, je me fais des manucures, j’trouve ça plus constructif) et j’ai appelé mon beau chirurgien. Ça a l’air de s’être déroulé simplement dit vite de même, mais évidemment que je n’ai pas été capable de faire ça simple, il a fallu que je complique un peu tout. Je ne pouvais pas juste décrocher le combiné, composer le numéro et dire Oui, bonsoir, c’est Sophie, vous vous rappelez de moi? Oh que non.

Première tentative. J’avais les mains qui shakaient. Je n’arrivais pas à composer le numéro, mes doigts étaient beaucoup trop tremblotants. Fallait que je me calme. J’me suis enfilé un gin tonic. Deux en fait. En cinq minutes. Ça allait mieux.

Deuxième tentative. Je ne tremblais plus. J’étais molle à souhait. Mon cerveau aussi. Je n’arrivais pas à trouver une manière adéquate d’entamer la conversation – Oui, salut, c’est… Non. Pas salut, ça fait trop ti-cul. Faut que j’ai l’air un peu femme… Oui, bonsoir. Je… Hmm. On dirait que je suis une sondeuse et que je m’apprête à lui poser des questions sur ses habitudes sexuelles en période de campagne électorale. Ça prend quelque chose de sérieux mais de relax. Allo, tu… je veux dire vous… Est-ce que je peux te tutoyer? C’est qui? Ah! Scuse! C’est Sophie, la… Bordel, j’y arriverai jamais. J’ai niaisé tellement longtemps comme ça, avec le combiné collé sur l’oreille sans composer le numéro qu’il n’y avait même plus de tonalité au bout du fil. Et j’avais l’oreille engourdie.

Troisième tentative. Au moment où j’allais reprendre le combiné pour me lancer une bonne fois pour toute, la sonnerie a retenti. Une chance que mon cœur était trop occupé à se morfondre au sujet de son béguin pour le beau docteur, autrement, je crois qu’il se serait tapé une crise cardiaque. Oui, allo? « Bonsoir. Mon nom est Mohamed. Pourrais-je parlé à la maîtresse de la maison ou à la personne qui est en charge des… » Désolée monsieur, je ne peux pas répondre à vos questions sur mes habitudes sexuelles en période de campagne électorale, je n’ai pas de vie sexuelle en ce moment et j’essaie justement d’en avoir une en tentant plus ou moins fructueusement d’appeler un jeune adonis qui me plaît beaucoup, vous voyez, alors je vais devoir raccrocher très rapidement afin de l’appeler pour lui demander s’il n’aurait pas envie de me faire l’amour par hasard ce soir. Alors au revoir.

Quatrième tentative. Celle-là, faut que ça soit la bonne. Parce que ma volonté et ma détermination sont en chute libre et j’suis pas sûre que dans cinq minutes j’aurai encore le guts de sévir. Alors ça y’est. Je prends un grand respir. J’appuie sur les touches, une à une, délicatement, presque avec tendresse, avec, en tout cas, tout ce dont je suis capable de concentration. Je ne dois pas faire d’erreur. « Pharmacie Morin, le labo, bonsoir. » Oh, désolée, je me suis trompé de numéro! « Pas de problème. Bonne soirée. » Eh merde. Pourtant, me semble que j’ai peser sur les bons pitons?! 514-254-75**. Ben oui, c’est ça.

Cinquième tentative. Bon, ça suffit. Téléphoner à un garçon, c’est pas censé être si angoissant merde! Qu’est-ce qui va arriver au pire? Rien! Il est intéressé, tu le sais déjà, c’est lui qui t’a laissé son numéro sans que tu lui demandes, me semble que c’est un signe assez clair ça! Alors t’arrête de faire ta mauviette et tu le composes ce numéro. Cinq. Un. Quatre. Deux. Cinq. Quatre. Sept. Cinq. Un. Trois. « Pharmacie Morin, le labo, bonsoir. » Euh. Oui. C’est encore moi. Je viens juste d’appeler, y’a trente secondes, et j’ai dit que je m’étais trompé de numéro, mais là, je pense que c’est vous qui vous trompez! « Ah oui? Et pourquoi est-ce que je me tromperais?! » Ben c’est pas vous qui êtes censé me répondre! Moi je veux parler au Docteur Dinkelmann! « C’est pas une clinique ici, c’est une pharmacie. » Je vois ben ça, mais c’est pas dans une clinique non plus que je suis censée appeler, c’est chez le Docteur Dinkelmann, dans sa maison, vous comprenez? « Non, je suis désolé mais je ne vous suis pas. Voulez-vous parler au pharmacien de service? » Non merci. À moins qu’il puisse me fournir des calmants sans ordonnance.

Pauvre conne. Je suis une pauvre conne. Je pensais que mon beau chirurgien m’avait laissé son numéro. Ce que je peux être cruche. Il avait juste noté le numéro d’une pharmacie au verso d’un papier d’ordonnance et il a utilisé le même papier pour écrire ma prescription.

On repassera pour la romance.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Aiouille. Tu auras appris au moins à essayer de contrôler ton stress en période d'appel téléphonique?

(Notons ici l'essaie incroyablement misérable de te faire sortir du positif d'un truc du genre, alors que tu ne dois vraiment pas en voir...)

Nayrus a dit…

Ceci n'est qu'un petit rappel par rapport à la rencontre de blogueurs à La Distillerie de ce samedi, 19h.

Juste au cas.

YsoboY a dit…

bien joué, l'intrigue du numéro! t'as pas de nouveaux poèmes en route par hasard?

bise,

Y.

Mélissa Verreault a dit…

Cher Y.,

J'dois bien avoir quelques poèmes dans un cahier qu'il faudrait que je prenne le temps de retravailler avant de diffuser... J'viendrai les mettre en ligne juste pour toi bientôt, promis :)

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