26 août 2009

Sans mots pour un centième message

Ceci est le centième message publié sur ce blogue. Et ce n'est pas moi qui l'écrirai. Ce sera Proust. Des fois, les autres le disent mieux que nous.


«Et, au reste, comment a-t-on le courage de souhaiter vivre, comment peut-on faire un mouvement pour se préserver de la mort, dans un monde où l'amour n'est provoqué que par le mensonge et consiste seulement dans notre besoin de voir nos souffrances apaisées par l'être qui nous a fait souffrir?»

- Marcel Proust

24 août 2009

Ne jamais dire jamais la bouche pleine

Je suis nue dans la cuisine et bois un jus d’orange couleur soleil, debout devant la porte ouverte, qui donne sur un ciel gris funérailles. Le jour, quand toutes les lumières sont éteintes, on voit moins bien à l’intérieur. Je me sens protégée par la noirceur diurne, mais je sais que ce n’est qu’une illusion réconfortante. On me voit. Je suis nue, flambante, la peau moite et brûlante, et le monde entier a les yeux tournés vers mon cadavre en flammes. Je ne suis à l’abri d’absolument rien et n’est invisible que ma douleur, que j’ai toujours si bien su cacher.

La porte est ouverte parce que le chat voulait sortir et parce que j’ai souhaité vraiment très fort qu’en lui laissant le passage libre, le vent s’engouffrerait dans l’appartement et balaierait les miettes d’amour détruit qui traîne sur le plancher de bois franc. Bien plus franc que moi. La franchise. J’en ai manqué. Me suis mentie jusqu’à me croire.

La radio crache une musique triste, une chanson qui dit New York, qui dit départ, une chanson de retours improbables. Je ne sais pas, moi-même, quand je vais revenir. Revenir de ma peine, de ma noyade en tristesse d’eau douce.

Je lui ai ouvert la porte, mais le chat ne sort pas. Il reste dans l’embrasure, à miauler comme un enfant qui ne veut plus naître finalement. Vas-y dehors, arrête de me regarder comme ça, que je lui dis. Mais il continue de me dévisager avec ses yeux de félin serpent. Deux billes vertes avec, au centre, une ligne si mince que vraiment, on se demande comment la lumière peut réussir à s’y infiltrer. La lumière trouve toujours son chemin, peut-être est-ce cela que le chat essaie de me dire. Il ne bouge pas, confortable il faut croire. À cheval, sur le seuil, entre dedans et dehors.

Mes yeux se ferment pour que tu disparaisses une fois pour toute, que mon corps arrête de se déchirer dès qu’il pense au tien – tes mains, tes épaules et toutes ces autres parties de toi que je n’aurai jamais pu posséder. Parce qu’il y avait des limites à respecter. Je ne veux plus qu’il y ait de frontière, jamais.

Je ne veux plus être en amour. Jamais. Il ne faut jamais dire jamais, je sais. Mais il ne faut jamais s’amouracher de son meilleur ami non plus, et j’ai commis cette erreur. Alors à partir de maintenant, j’ai le droit de faire ce que je veux. Sauf peut-être me laisser mourir. Car qui s’occuperait du chat, pendant mon absence?

14 août 2009

Pour vous désennuyer en attendant mon retour...

vous pouvez toujours aller lire ceci...


http://urbania.ca/blog/562/petition-pour-le-retour-de-la-pluie

13 août 2009

LE CYCLE

Extrait du roman, toujours. Roman dont je suis en train de compléter la deuxième version finale. Alors pardonnez mon absence dans cet espace virtuel.

Et c'est aussi que dehors le soleil brille et que je suis de celles qui tâchent d'en profiter...

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LE CYCLE


J’ai la nausée depuis trois matins. Au restaurant, je m’assois toujours à la même banquette. La première chose que l’on tente de recréer une fois qu’on est enfin sorti de celle qui nous asphyxiait, c’est une routine. Je mange un gruau. Un gamin me tire une grimace à travers la vitre. Je l’observe classer ses billes par couleurs, puis par ordre de grandeur. Il les aligne dans la craque du trottoir. Les passants enjambent la forteresse en soupirant et l’enfant s’en fout. Je l’envie – autant de soins apportés à une entreprise éphémère. Sa mère sort de la boulangerie, il est temps de partir. Il remet tout dans son sac. En désordre.

Midi approche, le vagabond ne devrait pas tarder. Chaque jour, à cette heure, il vient disséquer le contenu de la poubelle juste en face de ma banquette. À sa manière, il met de l’ordre, lui aussi. Au cœur de tout ce qui est devenu inutile pour d’autres, il trouve de quoi survivre. Je l’ai appelé Jacques. Il aurait pu être mon père. Je me prends à imaginer que quelqu’un fera avec mon ancienne vie ce que Jacques fait avec les restes de déjeuner – tombera dessus par hasard au coin d’une rue, la ramassera et lui donnera un nouveau sens.

Jacques a les mains gercées, mauves, rouges, il fume des mégots rabougris. Près de l’arrêt d’autobus, il trouve une cigarette presque intouchée, laissée là par quelqu’un qui pensait avoir le temps de la griller avant l’arrivée de l’autobus. Il est passé à l’avance. La cigarette écrasée du bout du pied. On estime souvent bien mal le temps qu’il nous reste. On jette tout sans avoir pu aller jusqu’au bout.