10 juin 2007

Waterproof




Quand j’étais petite, je rêvais d’être une sirène. Aujourd’hui, mon rêve s’est réalisé. J’ai été sirène échouée sur son rocher toute la journée. Et pas seulement au figuré. Je suis restée allongée sur le divan du salon jusqu’à 15h08, moment exact où mon apathie inconsistante a été forcée de cesser ses non-activités. C’est que de l’eau commençait à me dégoûter sur le front. J’ai émis toutes sortes d’hypothèses pouvant expliquer d’où le liquide provenait: peut-être que j’étais en train de devenir une véritable femme-poisson ou que toutes les larmes que j’avais versées dans les heures précédentes avaient condensé et formé un nuage au-dessus de ma tête et que c’est maintenant que l’orage éclatait. Aucune de mes théories ne s’est avérée juste.

C’était le petit voisin d’au-dessus qui avait décidé de donner un bain à son poisson rouge… Et, par conséquent, un bain à tous les résidants du bloc. Comme la plupart des enfants de quatre ans, ce p’tit v’limeux a la fâcheuse tendance à commencer une activité et de la laisser tomber trois minutes après, parce qu’il en a déjà trouvé une plus intéressante. Il a donc ouvert les robinets du lavabo et décidé qu’il n’avait plus envie de laver son poisson. Sans fermer les robinets, évidemment. Et sans remettre le poisson dans l’eau. Si moi j’ai failli mourir noyée, lui, il n’a pas survécu à son séjour en territoire non-humide. Poséidon ait son âme.

Les pompiers sont venus, les ambulanciers, les policiers, les assuranciers, Qualinet, tout le monde. La mère a un peu paniqué je crois. Et moi, c’est la venue de tout cette foule qui m’a rendue folle. J’ai conclu que c’était le moment idéal pour enfin honorer l’invitation que mon père m’avait lancée quelques jours auparavant et d’aller souper chez lui.




- La cocotte ! J’suis content de te voir!
- Qu’est-ce qu’on mange?
- Du saumon! Celui en croûte d’épices, ta recette préférée!
- Oh. Dommage.
- Pourquoi?
- J’suis rendue allergique au poisson.
- Ah oui?! Depuis quand?
- Cet après-midi.

Le repas fut interminable. Mon père est quelqu’un qui n’a rien à dire mais qui, au grand malheur de ceux qui partagent sa table, parle tout le temps. On a discuté de politique ministérielle, de système de santé à deux vitesses, du bras canadien, du nouveau show du Cirque du Soleil, du soccer de l’Impact, de golf, de Beethoven, d’allergies soudaines au poisson, de peine d’amour. On, excluant la personne qui parle. J’ai dû placer quatre mots dans la conversation. Mon père ne veut tellement pas que sa petite fille aille mal qu’à chaque fois qu’il me demandait si j’allais bien, il ne me laissait pas lui avouer que je ne m’étais jamais sentie aussi triste et désespérée et il répondait lui-même à sa question en sortant ses proverbes du dimanche selon lesquels «un de perdu dix de retrouvés, car tout vient à point à qui sait attendre, surtout que chaque torchon finit par trouver sa guenille.» Rien de plus encourageant.

- Papa, est-ce que ça se peut l’amour toute une vie?
- J’imagine que oui. Mais ça dépend combien de temps dure la vie.
- Sans doute!
- C’est comme pour tous ces objets qu’ils essaient de nous vendre en nous faisant croire qu’ils sont garantis à vie… T’sais comme le sac de voyage que je t’avais acheté il y a trois ans. Quand tu as voulu l’échanger parce qu’il était déjà tout troué…
- Et qu’ils m’ont répondu que la garantie était expirée! Mais c’était une garantie à vie!
- Voilà. C’était une garantie à vie, «à vie» étant en fait la vie du sac. Et l’espérance de vie moyen de leurs sacs était évaluée à deux ans.
- Ils vont être déclarés race en voie d’extinction par l’ONU bientôt ces sacs-là…
- Peut-être bien! Mais mon point avec tout ça, c’est que je crois que pour les relations de couple, c’est la même chose…
- Je saisis pas…
- L’amour, c’est garanti à vie, mais le «à vie» de chaque relation n’est pas le même que ton «à vie» à toi. Chaque relation a sa propre espérance bien à elle. Et malheureusement, elle risque de mourir bien avant toi.

Mon père qui fait de la psycho-poésie maintenant… Mais le pire dans tout ça, c’est que je pense qu’il n’a pas tort. Reste que c’est déprimant sans bon sens.


Sur le chemin du retour, de nouveau seule avec mon cafard et mes coquerelles, l’envie de brailler m’est revenue. Ce que je trouve complètement aberrant. Pourquoi avoir envie de pleurer quand je suis seule? Ça ne sert à rien, puisque personne n’est là pour constater ma douleur et me prendre en pitié. Ne pleurer que pour soi est complètement inutile; c’est de la fausse extériorisation de sentiments. J’ai besoin que quelqu’un me voit pleurer. Mais ces putains de larmes, elles sont transparentes. Et chaque fois que j’en verse, j’ai l’impression de me rendre moi-même invisible.

J’ai besoin que quelqu’un me voit pleurer. Demain matin, je vais aller rendre visite à François. Si y’a quelqu’un qui mérite d’endurer mes crises de détresse, c’est bien lui. Et je vais aller m’acheter un mascara qui n’est absolument pas waterproof et en appliquer une épaisse couche avant de me rendre chez lui. Il ne pourra pas faire semblant de ne pas voir mes larmes couler puisque mon visage va ressembler à la mer méditerranée à la suite d’un déversement de pétrole.

Lui et sa fibre écolo, ils ne pourront pas me résister.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Mel!!! C'est cool!!! Je viens te lire régulièrement... Je suis contente que tu mettes en pratique ton projet!

Ok, je vais y aller d'un commentaire mini constructif: y'a une faute d'orthographe! (j'ai dû placER et non É...) Ma petite correctrice d'épreuves uniformes de français... heheheh

Mais sinon...Bravo!!

Mélissa Verreault a dit…

Merci Manue!

C'est corrigé!

Il se peut fort bien que quelques coquilles se glissent dans mes textes... Je ne suis pas à toute épreuve - ça doit être à cause de la correction holistique de la langue (si tu as suivi l'actualité des derniers jours, tu comprendras sûrement mon humour poche, sinon je t'explique prochainement!)

Pinocchio a dit…

Mel, Sophie, Natacha... je ne comprends plus rien. Tant pis.