25 juin 2007

Vente de garage




Aujourd’hui, j’ai décidé de faire du ménage. Paraît que c’est pas très feng shui de garder trop de souvenirs et de boîtes empilées; faut que je me débarasse de tout ça au plus sacrant si je veux rétablir l’équilibre dans ma vie. C’est soit ça, soit je prends des cours de funambulisme. Mais comme je suis maintenant sans emploi, je ne suis pas en moyen de me payer des cours privés de marchage-sur-une-corde-en-tenant-un-gros-poteau-qui-ressemble-à-ce-avec-quoi-on-nettoie-les-piscines. J’ai ainsi opté pour le débarassage-rapido-presto de ma merde affective.

Le problème quand on fait du ménage, c’est qu’on replonge dans nos souvenirs; on se met à lire toutes les lettres d’amour qu’on avait accumulées dans une vieille boîte à chaussures, on réessaie tout notre vieux linge, histoire de nous confirmer que nous avons bel et bien engraissé et que cela ne nous refera plus jamais; on regarde nos photos de bal des finissants et de quand-on-était-petit-et-donc-ben-cute-et-naïf. Un gros coup de nostalgie dans les couilles de celui qui fait le ménage pour justement arrêter d’être mélancolique.

Entre deux poupées Barbie flambant nues (j’ai eu un trip à onze ans, soit celui de découdre tous mes vêtements de Barbie afin de les rabouter les uns aux autres et de me faire une robe avec… Résultat : une épingle de rentrer dans le pouce droit, une punition, et pu de linge pour mes poupées), un ensemble de papier à lettre datant d’il y a au moins quinze ans, mais qui sentait encore l’essence artificielle de rose - et qui faisait encore éternuer -, j’ai retrouvé un toutou que Magalie m’avait offert pour mes vingt ans - ça peut paraître enfantin comme cadeau, mais c’est que la v’limeuse avait caché quelques substances illicites dans le derrière du pauvre ourson, pour compléter la surprise....

Magalie.

Je l’avais presque oubliée, elle. Trop concentrée à ruminer mes histoires d’amour, j’en ai omis de réfléchir à mes histoires d’amitié.

Plusieurs disent que l’amitié est plus forte que l’amour, qu’une véritable amitié résiste au temps et aux épreuves, que les vrais amis nous pardonnent toujours, parce qu’ils nous acceptent avec nos erreurs et nos travers. Pour ma part, je crois que les peines d’amitié sont pires que les peines amoureuses et que c’est pour ça que je n’ai pas encore osé penser à Magalie et à la saloperie qu’elle m’a faite. Parce que ça fait encore plus mal que toutes les niaiseries que François et moi on a pu se dire ou se faire.

Un futur père pour mes trois enfants, j’ai encore le temps d’en magasiner un. Mais une fille à qui je n’ai pas besoin de parler pour être comprise, parce que ça fait depuis la maternelle qu’on se connaît et que tout a déjà été dit entre nous, ça, j’pourrai certainement pas en trouver une nouvelle. Un amant endiablé capable de me faire jouir trois fois en ligne sans se fatiguer, j’imagine que je peux m’en dégoter un pas trop difficilement sur un site de rencontre Internet, en y mettant simplement un peu d’effort. Mais une fille avec qui j’ai fait le tour de l’Europe pendant six mois l’année de mes dix-huit ans, une fille avec qui j’ai pris ma première brosse, eu mon premier baiser homosexuel - on est de son temps ou on l’est pas!, mangé mes premiers calmars, regarder mon premier film d’horreur, fait du patin à roues alignées pour la première fois, ça, je risque pas d’en croiser dix au prochain coin de rue. Une fille que je peux appeler à quatre heures du matin si ça va pas, et vingt-trois fois de suite si nécessaire, une fille chez qui je peux aller sans même avertir, car chez elle c’est chez moi et vis-versa, une fille qui est un peu moi et moi un peu elle, etcetera, ça, vraiment, je pense que j’aurai beau faire tous les marchés au puce de la terre, je pourrai jamais m’en rachetée une.

Peut-être que je devrais l’appeler. Mais comment ça se fait qu’elle ne m’a pas déjà téléphonée elle? C’est elle après tout qui a commis la gaffe, ce serait à elle de s’excuser et de faire les premiers pas. Et si elle n’avait aucun remords, qu’elle vivait très bien avec son geste et qu’elle n’avait aucune envie que je revienne dans sa vie détruire son nouveau bonheur? Et si, et si, et si. Essuie, essuie, essuie. Je vais terminer de ramasser mon bordel, et je vais aller la voir. Lui dire quoi, je verrai ça en chemin. Pour l’instant, je dois penser à le frayer, ce chemin. Car y’a tellement de papiers et de vêtements partout que je sais même pas si je vais être capable de me rendre à la porte de ma chambre.

J’en ai marre de cette accumulation d’inutilité, de ce ramassi d’absolument pas nécessaire. Je voudrais être une de ces personnes qui se contentent du strict minimum. Mais on dirait que ma solitude est absorbée par les objets qui m’entourent et que grâce à eux, je me sens un peu moins démunie. Pas monétairement, mais à l’intérieur. Tous ces bibelots, ces babioles, ces tableaux, ces bestioles, elles m’étouffent de l’extérieur, mais me permettent de mieux respirer en dedans. Elles sont comme une extension de moi-même, un de mes appendices, une image de mon petit égo projettée partout sur les murs, les tablettes, le plafond et les planchers. J’envahis la pièce avec mes gogosses, mes cossins, mes patentes, mes choses-trucs, et ça me fait du bien. Ça me fait du bien de voir tous ces reflets de moi, mon passé, ma vie, mes beaux moments, mes malheurs, de nous voir en répétition infinie tout autour. Grâce à ces multiplications de corps, cette cacophonie de chair, de plastique et de tissus, je peux me rappeler qui j’étais, jadis. Et presque oublier que je n’ai aucune idée de qui je suis maintenant, et de ce que je veux devenir.

En tout cas, je sais que je ne voudrais pas être éboueuse et être prise pour ramasser les saletés de cochonneries des débiles comme moi qui, un jour, comme ça, décident de tout jeter et de mettre douze sacs de poubelle au chemin - par chance que je recycle. Et que je n’ai pas tout, tout mis sur le bord de la route.

J’ai pris soin de garder un des sacs pour aller le déposer devant chez Magalie. En espérant qu’elle va comprendre le message, bien que moi-même, je ne suis pas convaincue de ce que je tente d’insinuer avec ce symbole. Je l’invite à la réconciliation ou je l’envoie promener? Parfois, la frontière entre les deux est plutôt mince. Suffit d’un peu d’ironie pour tout brouiller.

3 commentaires:

Bunny a dit…

Parfois ça peut faire du bien de retourner en arrière se souvenir du chemin que nous avons pris pour en arriver où nous en sommes aujourd'hui.

Mais quand c'est trop récent, trop frais dans nos mémoires, trop dur à encaisser, il est peut-être préférable de s'éloigner pour un moment. Le temps que la poussière retombe, de remettre le tout en perspective pour mieux comprendre ce qui s'est passé. Le seul ennui est que je ne crois pas qu'il soit possible de parler de la situation ,peu importe le temps qui s'écoule, sans que nos émotions prennent le contrôle.

Je te souhaite bonne chance et je vais continuer à te lire!

Pléione

Anonyme a dit…

Tu as envie que je fasse un recueil des meilleures citations puisées dans tes textes? J'adore les phrases punchées et "violentes"! J'étais pas encore venue lire ton blogue, mais je n'ai évidemment pas été déçue et j'ai eu plusieurs fou(s) rire(s) (comment on accorde ça au pluriel?). Tu trouves ton inspiration de quelqu'un en particulier? (Je suis une potineuse...)

Mélissa Verreault a dit…

Salut Pleione,

Merci pour tes encouragements. Je crois que tu as raison sur plusieurs points. Effectivement, il est mieux de laisser la poussière retomber, mais... des fois on a l'impression qu'on n'est pas allé complètement au bout des choses, qu'il nous reste encore une ou deux affaires à régler avant de pouvoir laisser retomber cette fameuse poussière. Tu comprends ce que je veux dire?!

Enfin. Merci de me lire. Je vous tiens tous au courant de l'évolution de ma pensée dans un prochain post.

Sophie B.