19 juin 2007

Sainte-Sophie de Marie-Joseph



J’avais un professeur de musique au secondaire - j’ai jamais eu l’oreille musicale, faudrait pas penser que parce que j’avais un professeur de musique je jouais de la musique - qui disait qu’il n’y avait pas de mauvaise chanson, seulement de mauvais interprètes - étonnament, il ne m’a jamais dit que je faisais partie de cette catégorie. Ce qu’il entendait par cette affirmation, c’est que peu importe la pièce interprétée, qu’il s’agisse de la Neuvième symphonie de Beethoven ou de Take me out to the ball game, toutes les mélodies ont le potentiel de devenir grandiose et de donner des frissons à ceux qui l’écoutent; il n’en tient qu’à celui qui les joue de les rendre comme tel.

Je crois que cette remarque peut s’appliquer à la vie en général : il n’y a pas de mauvaise vie, il n’y a que de mauvais vivant.

À moi, on m’a donné une petite vie tranquille. J’ai grandi en banlieue dans un quartier paisible, entourée de petits amis avec qui jouer au ballon botté. Mes parents se chicanaient entre eux mais n’ont jamais été violents avec moi. Ils ne m’ont pas gâtée à l’extrême, mais j’ai toujours eu tout ce dont j’avais besoin. Bref, mon sort n’est pas à plaindre. Ce n’est pas un conte de fées, je ne finirai pas star d’Hollywood, je n’obtiendrai pas de Prix Nobel pour avoir rétabli la paix dans le monde, je ne trouverai pas de remède contre le sida, non. Mais j’ai toutes les chances de mon côté pour me permettre de faire une belle vie. Quelque chose de discret mais respectable. Quelque chose qui sonne bien.

Mais voilà, mon talent de fouteuse-de-tout-en-l’air rend tout cela beaucoup moins facile que prévu.

J’adore faire la fête, prendre un verre de vin en mangeant de la bonne chère, inviter des amis, les gâter, rire, danser. Mais je ne serai jamais qu’une mauvaise vivante. Trop compliquée pour seulement profiter de ce qui passe et ne pas m’en faire avec les détails insignifiants. J’accorde une importance démesurée aux évènements futiles de mon existence. Je fais de tous les Take me out to the ball game des Neuvième symphonie.

Ok. Une rupture n’est peut-être pas exactement l’équivalent d’un Take me out to the ball game, mais c’est tout de même pas la fin du monde. Et c’est encore moins une raison pour se faire mettre dehors.

Si je sacrais, c’est maintenant que je lâcherais le plus gros blasphème de toute l’histoire. Mais malheureusement, je ne suis pas croyante, alors ça ne me sert à rien de sacrer, étant donné que cela ne représente pas un gros défoulement pour moi de crier le nom du bout de pain qui aurait supposément été béni par le fils de Dieu. Mon cul.

Je ne sacre pas, alors j’ai le droit d’être vulgaire. Merde. Merde. Et triple merde.

Mon boss trouvait que je n’avais plus d’entrain depuis trois semaines, que je répondais souvent bête aux clients. Il a prétexté que j’avais fait plusieurs erreurs de commande dernièrement et qu’il avait même dû calmer une dame outrée qui refusait de payer son addition parce que supposément que je lui aurais répondu, alors qu’elle m’aurait simplement dit que ses calmars frits étaient fades, de se les mettre entre les fesses si elle désirait qu’ils aient un goût plus relevé. Bon. Peut-être que j’ai été un peu raide cette fois-là mais… je ne sacre pas, alors j’ai le droit d’être vulgaire! Fais chier la grosse avocate d’Outremont avec ses calmars. Elle aurait dû prendre une salade Atkins au lieu de commander de la friture; ça aurait été meilleur pour sa ligne et moi, je n’aurais pas perdu mon job.

«Si tu réussis à remonter la pente dans les prochaines semaines, repasse me voir Sophie, j’aurai peut-être encore de la place pour toi, mais pour l’instant, je ne peux pas me permettre de garder une serveuse dépressive. Faut que ça roule ici.»

Je suis pas dépressive, d’accord!?

«Si tu veux consulter un psychologue, j’en connais un bon. Il m’a beaucoup aidé quand j’ai fait mon burn out à la suite de ma faillite et du décès de ma mère.»

Hey, woh! Un psychologue?! Les nerfs! J’ai pas fait faillite moi et ma mère est pas près de mourir - bonne nouvelle ou non, ça reste à voir, mais bon. Pour qui il se prend celui-là?

Mon boss j’imagine. Mon boss de 46 ans qui a «donc ben du vécu et qui sait donc ben ce qui est bon pour moi.» Mon boss de Français-à-la-con qui m’a foutue à la porte aujourd’hui.

Le jour de ma fête. Bonne Saint-Romuald à tous.

J’aurais préféré naître le jour de la Saint-Antoine. Comme ça j’aurais pu l’invoquer et peut-être avoir espoir qu’il réponde à mes prières, car en ce moment, je suis vraiment, vraiment perdue. Encore plus perdue qu’une paire de bas dans le mystérieux trou de la sécheuse ou qu’un trousseau de clés qu’on vient pourtant tout juste de déposer sur le comptoir de la cuisine et qui oh! par hasard n’y est plus.

Perdue comme une Sophie qui n’a jamais cru en Dieu mais qui aimerait bien commencer à croire un peu, juste un tout petit peu. Au moins à Saint-Silvère, si possible.

2 commentaires:

Anonyme a dit…
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Anonyme a dit…

Thanks for writing this.