18 mars 2009

Ma vie en statut-o-scope

C'est devenu d'un ridicule troublant. Je ne vis plus ma vie, je la «statuifie». Je suis constamment en dehors de moi-même, à côté de mes beaux souliers tout neufs qui donnent des ampoules au petit orteil, et je me regarde aller. J'observe mes actions, mes pensées, mes humeurs, tout, comme un narrateur omniscient qui jugerait sans vergogne le comportement des personnages dont il est chargé de raconter l'histoire. Comme si mon quotidien était un film sur You tube, un vidéoclip en continu sur My Space, je visionne ma propre existence avec un recul désarmant et je me dis: quel beau statut ça ferait sur Facebook! Ou non, je pourrais mettre ça dans mon nick Google Talk. Oh, tiens, ça serait encore mieux si je l'inscrivais sur MSN. «Sophie B. is en train de virer folle.»

Tout, tout, tout est devenu « objet à statut ». Le moindre de mes mouvements - j'ai mis mes bas à l'envers ce matin, r'gard donc toé!-, ce que je bouffe - ben oui, imaginez-vous que j'ai mangé un poulet Romados complet à moi toute seule hier soir, grand' folle va! - , ce que j'écoute comme musique - ♫ Il y a le temps qui s'arrête un instant pour la fête, le printemps des amoureux, des amants, tadaditadada ♫ -, la marque de tampon que j'ai enfilé ce matin - avec la même fausse joie et le même pantalon blanc que la fille dans l'annonce à' télé, bien sûr -, la douce euphorie qui fut la mienne lorsque j'ai mis le pied dans une crotte de chien - vive le printemps, les oiseaux chantent et la merde dégèle -, tout ça, je le compute , je l'analyse, je le digère et je le peaufine pour en faire un beau statut qui sera lu par tous mes amis et/ou pas vraiment-amis-mais-que-j'ai-quand-même-acceptés-comme-amis-sur-un-certain-site-qui-me-fait-perdre-beaucoup-trop-de-temps-dans-une-journée. Parfois, je pousse l'audace jusqu'à avoir deux ou même trois statuts dans la même journée- voyez comme ma vie est palpitante, trois statuts, non mais y s'en passe-tu des affaires! Et que dire de ces moments où j'affiche des statuts complètement différents sur chacun des outils de(fausse)communication sus-mentionnés: LA TOTALE.

Bref, je pense que je devrai consulter bientôt pour cause d'aliénation mentale slash dédoublement (voire détriplement)de personnalités. Ce n'est pas normal, docteur, de ne jamais être complètement dans le présent mais toujours en train d'imaginer comment telle ou telle situation pourra devenir un nick name funny. Mais mon cas n'est pas complètement désespéré: je ne me suis pas encore inscrite à Twitter et je refuse catégoriquement de le faire. Parce que là, ça serait l'Urgence psychiatrique sur-le-champ (on-the-champ, comme disent les Anglais).

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Maxime is leaving a comment.

Mélissa Verreault a dit…

Touché!

Daniel Rondeau a dit…

Je voulais justement écrire un billet à ce sujet.

J'en suis à savoir si bloguer au sujet de mes statuts n'est pas mieux ancrer le problème...