16 juillet 2007

Que vous eussiez Percé : Val d’Espoir, la suite…




Ça faisait longtemps que je n’avais pas aussi bien dormi… On devient habitué à la pollution sonore de Montréal, à tous ces bruits incessants qui hantent la ville; on en oublie ce qu’est le silence. Et ce qu’apporte le silence. Derrière son vide apparent, tout un monde. Le silence, pour moi, c’est le soleil de fin de journée, particulièrement celui qu’on peut observer à la mi-août, les dimanches; le silence, c’est mon visage tourné vers ce soleil, qui tâche d’en attirer tous les rayons, de faire provision de jaune, de chaud, de santé, de lumière; le silence, ce sont mes yeux fermés, à travers lesquels j’ai quand même l’impression de pouvoir voir, car le soleil de fin d’été en pénètre la mince peau et y dessine des vagues de couleurs; le silence, c’est l’aveuglement, quand je rouvre ces mêmes yeux, et que tout apparaît blanc, fragile, de nouveau, le monde qui surgit, dans un éclair duquel mes cils ont peine à me protéger. Mais pourquoi donc est-ce que j’essaierais de me protéger du silence? Il est si moelleux, si confortable, si…

Si. Il est 10h05 et j’apprends que les Français sont des gens ponctuels. Le silence de Val d’Espoir a oublié de me réveiller. J’avais donné rendez-vous à Louis-le-Breton-Husson à 10h00, à ma porte, et il était là. Mais moi pas. Moi j’étais encore bien emmitoufflée dans mon édredon de silence si… J’ai sursauté comme si on venait de m’arracher une dent en entendant le «toc toc toc» bien convaincu du bellâtre. Au lieu de crier «Un instant! J’arrive!», j’ai courru à la porte et ai tout de suite ouvert, de peur que Louis ne s’enfuit, pensant que je n’étais déjà plus là. J’aurais pu retenir mon ardeur et au moins prendre le temps d’enfiler un t-shirt, mais non, pourquoi pas me montrer en petites culottes et en soutien-gorge devant un pur inconnu que je me suis dit! Pendant deux secondes, j’ai eu la honte collée au joue - et faut savoir que je rougis vraiment très facilement - mais quand j’ai vu le regard agréablement surpris du Français, je me suis dit que je venais peut-être de marquer un point sans le vouloir…

- Euh. Scuse. Euh. Attends. Ben. Entre. Ou... Non. Reste là. Deux secondes, je reviens, j’vais… me mettre… une petite laine sur le dos! C’est… c’est… frisquet ce matin, non?! Brr…
- Bah, ton dos, il est correct. C’est peut-être plus au pied que t’as froid, non!?

Bon. Un petit farceur. Un point pour lui. On est à égalité maintenant.

-Scuse moi, j’ai passé tout drette on dirait ben… j’ai dormi comme un bébé.
-Tout drette?
- Oh… euh… oui… tout droit… J’ai carrément pas vu le temps passer, j’ai oublié de me lever…
- Ah. Ok. Mais c’est sûr que si tu dormais, c’était difficile de voir le temps passer!

Bon. Ça suffit les jeux de mots le Breton. Faut pas abuser non plus! J’vais t’enlever ton point si tu continues!

- Tu veux un café, quelque chose?
- Ouais, pourquoi pas. Un café.

Oups. Pas de café. Tout ce que j’ai acheté au marché du village hier, c’était un steak et une bouteille de rosée…

- Euh… finalement… tu prendrais pas un verre de rosée bien chaud, c’est tout ce que j’ai!?!?
- Ahah! Écoute, on peut aller déjeuner en ville si tu veux, j’ai rien avalé encore moi non plus. Tu connais un endroit sympa?

Ah oui. C’est vrai. C’est pour ça qu’il est ici à la base : parce que je suis censée connaître le coin et lui faire découvrir des endroits fantastiques méconnus des touristes! Censée… Alors, madame la guide, vous vous pensiez fine, trouvez maintenant!

On s’est ramassé chez «Madame Patati, la Reine des Patates»; je lui ai dit que je lui ferais découvrir notre fine gastronomie québécoise. On n’est pas allés jusqu’à manger une poutine pour déjeuner, mais il y avait quand même beaucoup de gras trans dans notre assiette…

- En Bretagne, d’hab, j’prends un espresso et un croissant, alors, j’sais pas, qu’est-ce tu me conseilles dans le menu?
- Le spécial du bûcheron, sans contredit!
- C’est quoi, y’a de la bûche dans ce truc?!
- Non, mais presque. T’as des crêpes, des saucisses, du bacon, du jambon, deux œufs, des toasts. Pis demande du vrai sirop d’érable, sinon, y vont sûrement t’apporter du sirop de poteau.
- Quoi? Il tire du sirop des poteaux ici?!
- Euh… non… Façon de parler.

Bon. D’accord, on a quelque différends culturels, va falloir s’ajuster lui et moi, mais y’a pas juste des atomes croches, y’en a des crochus aussi, j’suis convaincue…

Après le déjeuner - le p’tit déj, pardon! -, on est embarqués dans son char - sa bagnole, pardon!- et on a roulé jusqu’au Rocher Percé. Je me suis sentie obligée de lui faire un petit cours d’histoire, afin de ne pas trop jouer les imposteures et remplir au minimum mes fonctions de guide. Comme je n’ai absolument aucune idée de pourquoi-y’a-un-trou-dans-le-Rocher-Percé-et-qui-l’a-découvert-et-pourquoi-et/ou-quand-donc-a-t-il-été-construit, je me suis servie de mes talents de gentille menteuse et lui ai raconté que ce rocher était considéré comme magique par les communautés micmacs qui occupaient les territoires gaspésiens quelques 2 500 ans avant l’arrivée de Jacques Cartier - y’a quand même du vrai dans cette partie - et que notre ami Jacques, justement, avait fait une petite gaffe un soir où il avait trop bu et qu’il était parti en mission d’exploration, seul, avec un de ses navires et qu’il avait foncé dans le dit rocher, d’où l’immense trou - c’est tiré par les cheveux, j’en conviens, mais on fait ce qu’on peut. Évidemment, cet accident engendra la grogne chez les Micmacs et installa un climat de tension entre les colons et les amérindiens; ces derniers voulaient la tête de ti-Jacques. Mais on a finalement convenu de pendre un de ses sous-fifres - j’adore ce mot! On l’utilise trop peu! - à sa place, et c’est à même le trou du rocher qu’on a pendu le pauvre matelot.

Faut croire qu’en plus de mes talents de gentille menteuse, j’ai un certain talent de comédienne, car il a eu l’air de tout gober, Louis-les-beaux-yeux. C’était peut-être juste pour me faire plaisir, mais même là, ce fut réussi, car oui, ça m’a fait plaisir…

Et une autre chose qui me fait vraiment plaisir, c’est de donner l’eau à la bouche aux gens et de les faire languir alors… je ne vous raconterai pas la suite maintenant, histoire que vous vous trémoussassiez - j’avais vraiment envie d’utiliser le subjonctif imparfait même s’il n’est pas adéquat, je trouve qu’on délaisse beaucoup trop ce temps de verbe, à l’instar du terme sous-fifre! - un peu sur votre chaise encore une ou deux journées! En attendant, vous vous pratiquerez à essayer d’inclure le subjonctif imparfait dans vos phrases…

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Salut

Sur ton invitation, je reviens tout juste de te visiter, j'ai passé à travers la totalité de tes textes sans m'arrêter, vraiment très bien, je reviendrai... Ça c'est certain !