05 novembre 2007

Moi et mon double.



«Ce n'est pas nous qui disons les mots, ce sont les mots qui nous disent.»

- Witold Gombrowicz


Il y a maintenant trois semaines que je n’ai pas écrit. Pour la même raison qui me pousse habituellement à écrire. Cela m’était nécessaire. Je n’en pouvais plus de me confesser, me confronter, me mettre sur papier. Et que ce papier devienne un miroir, une extension de moi, le reflet de ce que je n’avais pas la force de voir. J’étais épuisée de me regarder droit dans les yeux. Fatiguée de ne pas être à la hauteur de moi-même.


J’ai relu tout ce que j’ai écrit depuis le mois de mai. Ça m’a donné un choc. Je n’arrivais pas à croire que c’est de moi que toutes ces lignes parlaient. J’avais peine à me reconnaître. Le portrait qui y était dépeint m’est apparu tout simplement grossier et inexact. Il faut croire que la connaissance que l’on a de soi n’est jamais tout à fait juste. Nous sommes véritablement mal placés pour parler de nous-mêmes. Les yeux trop près du nez, la bouche trop proche du cœur, les mots collés sur les sentiments; on ne voit pas clair.


Puis, j’ai réalisé qu’au contraire, cette image noire, ambiguë, pleine de contradictions, de faiblesse, de paresse et de bêtise, elle m’appartenait bel et bien. Ce qui est faux, ce n’est non pas ce que j’ai pu écrire sur moi, dire de moi, mais bien ce que je pensais de moi. Je n’étais pas celle que je croyais être. Que je voulais être. Mais est-il possible de véritablement, un jour, faire concorder ces deux réalités? Serons-nous jamais ce que nous souhaitons être, simplement?


Aujourd’hui, j’ai décidé de faire le test. De vérifier si cela pourrait éventuellement devenir possible. Aujourd’hui, je veux calculer l’écart qui existe entre ce que j’ai toujours cru être et ce que, vraisemblablement, je suis devenue au fil des derniers mois.


J’ai toujours cru être une femme de tête, décidée, entreprenante, motivée. Je constate plutôt que je suis extrêmement ambivalente, incertaine et peureuse. Cela fait cinq mois que je n’ai plus d’emploi et que je ne fais pratiquement aucun effort pour m’en trouver un. Je semble préférer me complaire dans ma situation et croire que les choses s’arrangeront d’elles-mêmes.


J’ai toujours cru être une fille positive, dotée d’un bon sens de l’humour et d’une certaine ouverture d’esprit. Cependant, toutes les anecdotes que j’ai pu racontées ici tendent plutôt à prouver que je suis une chialeuse incurable, une éternelle insatisfaite, une cynique désabusée, une chatte qui a le dos constamment voûté, les griffes toujours prêtes à attaquer. Quelle douleur m’habite donc pour que je sois aussi craintive et méchante?


J’ai toujours cru être une personne sociable, bien entourée, qui avait la chance de pouvoir compter sur plusieurs bons amis et sur des parents, malgré tout, assez compréhensifs. Mais où sont donc passés tous ces gens? Ma mère est morte, bon, ça, je n’y peux rien, j’accepte mon impuissance en la matière. Mais tous les autres? Qu’en ai-je faits? Où les ai-je mis? Au rancard? Mon père. Je ne l’ai pas appelé depuis les funérailles de maman. Pourquoi? Et Magalie? Et François? D’accord, ils m’ont fait un coup bas, mais suis-je à ce point incapable de pardonner? En plus que je suis mal placée pour en vouloir à François, moi qui n’aie pas été plus fidèle et qui songeais à le laisser. Et à part eux? Louis. Louis! Que devient donc Louis? Il m’a téléphonée à au moins cinq reprises depuis mon retour de France. Mais chaque fois, je laissais le répondeur lui dire que je n’étais pas là. Pourquoi? Il semble que j’aie choisi de m’isoler. De me mettre à part du monde, de faire comme si je n’existais plus.


Peut-être parce que je n’existe plus, justement. Que celle que j’étais, cette jeune femme imparfaite, mais tout de même agréable et heureuse, n’existe plus. Où suis-je donc passée? Je me suis laissé traîner quelque part. Sur le comptoir de la cuisine, à côté des clés qu’on ne trouve jamais lorsque vient le temps de partir? Dans la sécheuse, avec tous ces bas qui finissent seuls et dépareillés? Sous le lit, en petite boule, roulant avec la poussière et les objets qu’on cache? Non. J’ai regardé. J’ai fouillé. Et je ne suis à aucun de ces endroits.


C’est donc qu’il y en aurait un autre. Un lieu où les choses et les êtres, mystérieusement, disparaissent. Ne me reste plus qu’à le trouver.

6 commentaires:

Mélissa Verreault a dit…

Merci à tous ceux et celles qui m'ont laissé un petit mot pour me demander de revenir. Ça m'a fait très plaisir et inciter à me reprendre un peu en mains.

Je vous promets (d'essayer) de ne plus vous laisser tomber! :)

Sophie

Anonyme a dit…

Au plaisir de te relire! :-)

L'intense a dit…

Je peux pas croire que ces mains vont rester vide encore longtemps... :)

Mélissa Verreault a dit…

Et dis-moi, l'intense, lorsqu'elles seront pleines, mes mains, de quoi seront-elles remplies tu crois?! ;)

Lilith a dit…

Ma propre réponse, si vous me permettez: de rêves, d'espoirs, de projets!
Les embrouilles, c'est éphémère, la trame de fond, même si elle est parfois bien dissimulée, reste toujours le bonheur...

Pierre-Léon Lalonde a dit…

Les mots t'as dit?

As-t-on assez d'une vie pour vraiment savoir qui l'on est?

Bonne continuation!

(...)