13 novembre 2007

Entre les huit mon cœur balance.

J’ai une entrevue demain. Pour un job que je n’ai aucunement envie de décrocher. Mais pour un job. C’est déjà un bon départ. Je me suis dit qu’en acceptant de passer des entrevues, même pour des emplois plus ou moins intéressants, j’augmenterais mes chances de me faire appeler pour des boulots qui, eux, sont beaucoup plus attirants.


Car c’est toujours comme ça. Du moment que tu es occupé, que tu as déjà plusieurs engagements de pris, c’est là que les offres pleuvent, qu’on se met à te proposer des choses vraiment alléchantes. Donc, si on suit cette logique, on pourrait déduire qu’en me bookant plusieurs entrevues chez des employeurs dont je me fous un peu, les employeurs pour lesquels j’ai véritablement envie de travailler vont eux aussi m’appeler, sentant que je suis de plus en plus en demande. C’est lorsque je viendrai de signer un contrat bidon pour un travail emmerdant qu’une offre exceptionnelle me tombera dessus. C’est sûr. Certain.

Cette façon qu’a la vie de tout faire arriver en même temps me fascine. On dirait qu’elle procède ainsi de manière à tester notre capacité de faire des choix. Avec elle, c’est tout ou rien. Tout. Ou rien. Tout. Du même coup. Vlam. Tins toé. Prends-en plein la gueule. Cours, cours, vas-y, cours. Et choisis. Tu vas arrêter de chialer en disant que tu n’as pas le choix. Le choix? Le choix, tu l’as ma belle maintenant. Tu n’as que ça : le CHOIX. Tout est possible. Moi j’ai rien à voir là-dedans. J’ai tout mis devant toi, un vrai buffet All you can eat, alors hein, pu d’excuses. Tu prends ce qui te convient maintenant et tu fonces.


Et c’est comme ça dans tous les domaines. Y compris les amourettes. C’est tout ou rien. Tout ou rien. Pendant six mois, je me suis vautrée dans ma solitude, habillée de mélancolie et de reste de larmes; j’ai marché la tête basse et les yeux bouffis, le cœur gros et la démarche alourdie. Je croyais que personne ne voudrait plus jamais de moi. Fini. Évidemment, j’avais tort. On a toujours tort lorsqu’on est triste. Mais quand même. Il me semble qu’il devrait y avoir un équilibre entre «personne ne voudra plus jamais de moi» et «je ne sais plus quel soupirant choisir parmi la dizaine qui me court après.»


Car maintenant, c’est un peu ce qui se passe; les prétendants s’agglutinent à ma porte et moi, craintive, je les regarde par l’embrasure, ne sachant trop quoi leur répondre – Désolée les gars, vous feriez peut-être mieux de rentrer chez vous. Je ne me suis pas rasé les jambes. Ça me gêne de sortir dans cet état.

Qui sont tous ces prétendants? Eh bien. Tout d’abord, il y a Vincent, le violoncelliste. D’accord, rien n’indique qu’il me court véritablement après, mais quand même. Y’a de la séduction dans l’air. Ensuite? Charles. Oui, oui. Charles comme dans «Charles, le gigolo de ma mère». Je crois qu’il est resté traumatisé par le baiser que l’on a échangé il y a un mois. Si, personnellement, j’ai vu dans ce baiser une simple façon de se dire qu’on n’était pas seuls, une manière malhabile de se consoler mutuellement, on dirait bien que lui, il y a vu beaucoup plus. Peut-être l’espoir de poursuivre avec la fille ce qu’il avait entamé avec la mère. Une sorte de legs. Une mission intergénérationnelle. J’sais pas.


À part ça? Louis, alias le gars le plus insistant de la terre. Il faut lui laisser cela, il ne se décourage pas facilement. Il continue de m’appeler à raison d’environ une fois par semaine et d’attendre, patiemment, que je le rappelle. Je lui ai téléphoné une seule fois. Il était neuf heures du soir ici, donc trois heures du mat là-bas. Je me doutais bien que son portable serait fermé et que j’aurais affaire à sa boîte vocale. Je préfère communiquer par répondeurs interposés avec lui, c’est beaucoup moins impliquant. Ça me permet de repousser encore un peu le moment où je devrai véritablement m’expliquer avec lui. J’suis bien prête à prendre mes responsabilités. Mais pas tout de suite.


Et voilà que ce matin, un nouvel homme est venu s’ajouter à cette liste de prospects. Jason, le fils de Madame St-Germain, ma voisine tireuse de cartes. Quarante ans, pas d’enfants, mais… pas très séduisant. Je le soupçonne d’être encore puceau et de ne pas se rendre compte que son accoutrement est laid et démodé tout simplement parce qu’il est incapable de voir à travers ses lunettes style année quatre-vingt beaucoup trop épaisses. Et sales.


Je ne sais pas ce que Lucille lui a raconté à mon sujet, mais il semble qu’il se sente investi d’une mission par rapport à moi. On dirait bien qu’il s’est lui-même donné comme mandat de me faire retrouver ma joie de vivre et mon pep. Il est venu cogner à ma porte vêtu d’un affreux débardeur beige et d’un pantalon beaucoup trop court – probablement son plus beau kit – et il m’a invité à me joindre à lui et sa mère pour souper. J’ai refusé, prétextant que j’avais déjà accepté une autre invitation. Non mais. Il n’aurait pas plus imaginé scénario plus romantique. Un souper en tête-à-tête avec lui… et sa mère! Pauvre Lucille… Elle aimerait vraiment ça que je sorte avec son fils – Un si bon garçon! , elle me le répète chaque fois qu’elle me croise dans la cage d’escaliers – Vous seriez cutes ensemble! J’el sais, y’est un peu plus vieux qu’toi, mais y’ est tellement jeune de cœur! Et puis, après toutes les mésaventures qui t’sont arrivées c’t’année, me semble que t’aurais besoin d’un gars mature ma p’tite Sophie! Mature, certes…


Enfin. Ça m’amuse de dresser cette liste de prétendants. Même si le plus intéressant d’entre eux – à lire Vincent – n’est certainement qu’un prétendant imaginaire, je trouve ça réconfortant de savoir que potentiellement, tous ces gars peuvent être intéressés par mon cas. Peu importe la raison qui les motive à s’intéresser à moi, intérêt il y a. Et puis, quand on y pense, à peu près toutes les raisons qui nous poussent généralement à nous intéresser à quelqu’un sont mauvaises.


Et la raison qui me pousse à dresser cette liste ridicule ce soir l’est tout autant. C’est que de m’adonner à cette activité futile me fournit une excuse relativement acceptable pour ne pas penser à des choses plus sérieuses, en l’occurrence mon entrevue de demain.


Mon entrevue de demain… Petite impression que soudainement, la vie reprend.

1 commentaire:

Lilith a dit…

Vraiment contente pour toi :)