24 juin 2009

Guide du parfait petit désastre – PART I

Il y a deux semaines, Nate est venu à Montréal pour des raisons d’affaire. On en a évidemment profité pour se revoir. Le temps passé ensemble à New York avait été fantastique – intensité, sexe et bon vin –, on a donc voulu reproduire la chose en sol québécois. Mais c’était un peu naïf de notre part. On aurait dû se rappeler que chaque fois qu’on essaie de faire revivre le passé, on ne réussit que très rarement à en égaler la perfection. Ce qu’on parvient à récréer n’est généralement qu’une pâle copie du bonheur de jadis.

On était censé se voir dès son premier soir à Montréal. Il m’avait dit qu’un client venait le chercher à l’aéroport, qu’il prenait l’apéro avec lui et qu’après il m’appellerait pour qu’on soupe ensemble et etcetera, etcetera. À neuf heures du soir, je n’avais toujours pas eu de nouvelles de lui. J’ai donc tenté d’appeler sur son cellulaire, mais sans succès. J’étais furax. Dix heures, toujours pas de téléphone. Me faire poser un lapin est probablement la chose que je déteste le plus au monde. Je savais pertinemment que même si Nate finissait par m’appeler ce soir-là, je n’allais pas être d’humeur à le voir et que j’aurais seulement envie de lui foutre une raclée. Dans un grand élan de sagesse, j’ai donc débranché la ligne téléphonique et je suis allée me coucher, avec du gros rock sale sur les oreilles. Moi, la colère, ça m’endort. Après cinq minutes je ronflais.

Le lendemain matin, j’avais moi-même rendez-vous avec un client pour un contrat de rédaction. Je me suis levée dans un drôle d’état, légèrement à côté de mes pompes. Ensuite, je rejoignais une amie pour le lunch. La pauvre a dû subir ma face de bœuf et mon chialage pendant deux heures. Je pense malgré tout l’avoir divertie; la colère m’endort, mais elle me fait aussi dire beaucoup de niaiseries. Je suis convaincue que c’est grâce à l’ironie que je n’ai pas commis de meurtre encore. Sans cette soupape d’évacuation, dans les dernières années, beaucoup d’hommes se seraient retrouvés pu de couilles ou pu de tête – ça revient un peu au même.

Je suis rentrée chez moi vers 16h00 : j’avais un courriel de Monsieur Nate. Il m’expliquait qu’il avait sottement oublié son cellulaire chez lui et que c’est pour cette raison qu’il ne m’avait pas appelée, puisque mon numéro était enregistré dans son petit engin. Il aurait aimé m’envoyer un courriel avant, mais la connexion Internet à l’hôtel ne fonctionnait pas. Bref, il n’avait que de bonnes raisons. Je déteste quand les gens ont des bonnes raisons, ça rend ma colère futile et je suis obligée de leur pardonner. Le pardon, ça fait chier.

Nate m’avait laissé son numéro à l’hôtel; je l’ai appelé, incapable d’avoir l’air un minimum fâchée. J’avais trop hâte de l’avoir nu dans mon lit pour perdre mon temps à faire la baboune. Or, je ne savais pas encore que j’étais loin de la coupe aux lèvres et de ses lèvres sur les miennes. On allait avoir plusieurs autres obstacles à franchir avant de goûter au fruit défendu ensemble. Bref, pour ceux qui espéraient que ce billet finisse par une histoire de cul torride avec plein de belles descriptions graphiques de nos ébats, je vous avertis tout de suite, vous allez être déçus. Vous pouvez arrêter de lire maintenant. Pour les autres qui ne pensent pas juste à ça, les fesses et toutes ces cochonneries, vous pouvez poursuivre.

Vingt-quatre heures plus tard que prévu, Nate et moi nous sommes donc retrouvés dans un resto pas chic du tout du Plateau Mont-Royal. On a commandé l’apéro, siroté goulûment nos verres, en se faisant les yeux doux de manière tout aussi goulue, et en se frottant subtilement les pieds sous la table. On puait le sexe. Et ça a tout l’air que ça dérangeait la vieille mémé à côté de nous. Je ne saurais pas dire exactement ce qui la troublait tant que ça, on n’était pas tout nu sur la table quand même, à quatre pattes en train de faire des démonstrations de Kamasutra, bordel : on buvait un Cosmopolitan en se regardant dans le noir de la pupille et en emmêlant tendrement nos mollets ensemble. Mais bon, paraît que c’était déjà trop pour elle; elle soupirait et se plaignait lourdement à son compagnon que les jeunes de nos jours ne savaient pas se tenir en public. Évidemment, Nate ne comprenait pas ce que la mémé racontait, toute francophone qu’elle était. Y’avait que moi, donc, qui pouvait fulminer et la détester – et je la détestais pour deux. Secouée par un désir de vengeance propre, j’ai malencontreusement fait tomber mon verre d’eau dans sa direction. La pauvre était toute imbibée de ma haine humide. Honnn. J’avais presque envie de m’excuser. Elle a finalement demandé à être changée de place. Bon débarras.

Maintenant que mon ennemie était éliminée, j’allais pouvoir tranquillement profiter de ma soirée. Du moins, c’est ce que je croyais. Ce que je peux être crédule parfois. La suite des choses est assez simple à résumer : le repas était infect et le service minable. On a commandé du vin pour accompagner nos mets, mais celui-ci ne s’est jamais pointé le bout du bouchon de liège à notre table. On a donc mangé à sec, et c’est doublement le cas de le dire, nos assiettes froides et sans saveur : mes pâtes aux fruits de mer me donnaient l’impression d’avoir passé la journée au complet sur le chauffe-plat de la cuisine et le steak saignant de Nate était tellement cuit que sa couleur grise rappelait vaguement la teinte de cheveux de la mémé précédemment assise près de nous. Après me faire poser un lapin, il y a une chose au monde que je déteste par-dessus tout : me faire gâcher un repas. Ça me met dans une rogne pas possible. Mais bon, j’ai contenu ma rage cette fois. Faut savoir choisir ses combats. J’ai simplement proposé qu’on aille prendre le dessert chez moi. Proposition acceptée.

On a marché jusqu’à mon appart, histoire de faire descendre ce repas qui, malgré le fait qu’il n’était absolument pas copieux, nous avait alourdi la panse solidement. Cette portion de la soirée s’est déroulée sans anicroche. On a déambulé bras dessus, bras dessous, d’un pas léger et presque amoureux. J’ai bien dit presque.

Parce que c’est exactement là que ça se gâte : le moment où on a abordé la « question amoureuse ». J’ignore en fait comment s’est venu sur le sujet; je n’avais pour ma part pas du tout l’intention de parler de notre avenir conjugal, simplement parce que je n’en envisageais aucun, mais semble-t-il que Nate voyait la chose fort différemment.

Comment exactement percevait-il la chose? C’est ce que vous saurez au prochain épisode! Je sais, je vous fais souffrir en arrêtant ici mon récit, mais vous me connaissez, j’aime ça étirer la sauce!

En attendant, on va jouer à un petit jeu, voulez-vous? Je vous invite, chers lecteurs, à essayer d’imaginer la suite de cette soirée qui a si mal débuté. J’ai envie de voir comment vous pensez que tout cela va se terminer. Qu’est-ce que Nate m’a dit exactement? Quelle aventure bizarroïde nous est-il arrivée rendus chez moi? Me suis-je une fois de plus mis les pieds dans les plats et dans la bouche?! Moi je connais la réponse à toutes ces questions, mais avant de vous les donner toutes crues dans le bec, ça m’amuse de vous faire forcer la cocologie un peu…

Les paris sont donc ouverts.

6 commentaires:

Farfadette a dit…

Le lendemain de ton départ de New-York, Nate est tombé sur son horoscope de la veille et dans la section "love" il y avait aussi le mot "rendez-vous". Quelque jour plus tard, il s'est fait offrir un contrat de photo très intéressant au Québec. Dans sa tête,les astre se sont aligés. Il est donc dans le coin pour les 3 prochains mois et il n'a pas encore d'appartement.

Mélissa Verreault a dit…

Bon, c'est un début! Merci Farfadette de ta généreuse contribution!

N'en manque plus que deux...

Anne a dit…

Je crois que lorsque vous êtes arrivés chez toi, la porte était déjà ouverte. Des cambrioleurs avaient profité de ton absence et tu as du téléphoner à la police pour que quelqu'un vienne faire un rapport pour les assurances. L'attente est longue et tu n'avais pas le coeur à la fête ni aux batifolage. Nate commence vraiment à trouver le temps long et soupire, alors que le jeune policier qui prend ta déposition est particulièrement sexy. dommage que ce ne soit pas le bon temps pour lui demander son numéro (au moins, lui, il habite à Montréal).Pour clore cette merveilleuse soirée, Nate s'est endormi sur le divan pendant que tu t'obstinais avec les assureurs au téléphone.

Mélissa Verreault a dit…

Oh, Anne, tu brûles, tu brûles!

Plus qu'un commentaire avant de connaître la suite. Quoi que j'ai quasiment envie de faire monter ça à cinq... Hmm!

J'aime ça, quand je vous menace, vous obtempérez! :P

lyne provençal a dit…

…la porte de ton appartement était bel et bien ouverte à votre arrivée… mais c’était ta mère qui était là. Elle avait décidé de venir te faire une petite visite-surprise! Ce n’était vraiment pas le moment! Surtout qu’après te faire poser un lapin et être obligée de pardonner à quelqu’un, ce qui te fait vraiment bouillir de rage, c’est une visite impromptue de l’auteur de tes jours!!! Malgré tout, ta très chère mère et Nate font connaissance et oh surprise! ils s’entendent comme deux larrons en foire! Ils passent une partie de la nuit à rigoler et picoler dans le salon pendant que tu vomis les fruits de mer qui n’étaient décidément pas frais…

Mélissa Verreault a dit…

Bien essayé Lyne, mais si tu retournes lire au début du blogue, tu réaliseras que ma mère est morte... Donc cette situation est improbable voire impossible... Cela dit, tu es la troisième personne à me faire une proposition alors je peux maintenant vous révéler la vérité!