03 juillet 2008

Les plans d'nèg'





J’avais tout prévu. Passé des nuits entières à mijoter mon plan. Tout se déroulerait comme je le désirais, je ne pouvais accepter qu’il en soit autrement. Il fallait que ça marche. Il fallait que les choses se passent bien. Il fallait que les choses se passent tout court. J’en avais assez de me retenir, plus question d’attendre et de rater ma chance. C’est ce soir-là que je me lançais.

Dans le vide.

J’en étais à pratiquer mon petit discours romantique à deux cennes – Jee, je t’aime. Toi et moi on est faits pour être ensemble, ne le vois-tu pas? Prends-moi! Jee, je t’en prie, prends-moi! Déshabille-moi, maintenant, tout de suite! – quand le téléphone a sonné; Jee appelait pour me dire qu’il s’en venait me chercher cinq minutes plus tard. Merde. Je n’avais pas vu le temps passer, trop obnubilée que j’étais par mes fantasmes et les dialogues que je nous inventais, à Jee et à moi. À trop rêvasser, j’avais oublié de m’habiller. Une débile n’arborant qu’une petite culotte et un soutien-gorge devant sa fenêtre de chambre, qui n’a pas pris soin de tirer les rideaux et qui gesticule passionnément et balance des refrains d’amour à un ami imaginaire. Voilà ce que j’étais.

Une débile.

Qui s’apprête à bousiller une amitié extraordinaire sous prétexte qu’elle est amoureuse du garçon censé être son simple copain. Quelle conne. Mais je n’avais plus le choix…

Coup de klaxon. Jee est là. Et moi je n’y suis plus, mais alors là plus du tout. Mes jambes se mettent à trembler, mon corps à jouer à saute-moutons; je n’ai plus de salive ni de jugement. Je m’affole, je cours à travers tout l’appartement à la recherche de mon sac à mains – que j’avais stratégiquement placé à côté de la porte, avec mes clés, mon parapluie et tout ce que je ne voulais pas oublier. Mais c’était là trop de logique pour la pauvre fille perdue que j’étais soudainement devenue. Jee, je t’aime. Prends-moi! Jee, je t’en prie, prends-moi! Déshabille-moi, maintenant… Je n’avais que ces mots en tête, ils formaient un brouillard dans mon cerveau qui m’empêchait de voir le reste. Plus vite je lui ferais mes révélations, mieux ce serait. Qu’il parte à rire, qu’il me dise non et qu’on en finisse, bordel.

J’ai agrippé mes effets personnels, verrouillé la porte – quand même, c’est bien que j’y ai pensé – et dévalé les escaliers en trombe.

- Salut beauté.

- Jee… Je…

- Ça va?! T’as l’air bizarre!

- Ah… euh… non, non, ça va. Je… j’étais pas tout à fait prête quand t’as appelé, c’est pour ça, je me suis un peu dépêchée… Je…

- Oh. Ça doit être pour ça que t’as mis ta robe à l’envers!

Shit. Ça commence bien encore.

- Tu me donnes deux secondes, je remonte la mettre du bon côté?!

- Ben non, laisse faire ça, tu le feras au resto!

- J’vais avoir l’air fine encore, de rentrer accoutrée de même!

- Moi j’te trouve plutôt sexy comme ça!

Bouche ouverte, rien qui sort. Un point pour Jee. Il a démarré la voiture et on s’est dirigé vers le resto. Mon estomac était aussi à l’envers que ma robe, je me demandais bien comment j’allais réussir à avaler quoi que ce soit.

- Tu veux qu’on aille prendre l’apéro avant? Y’a un nouveau bar qui vient d’ouvrir, à côté de là où on va, j’aurais bien aimé aller y faire un tour.

- Ok. Une p’tite shoot d’alcool, ça ne me fera pas de tort.

- T’es sûre que ça va toi?

- Oui, oui. Fais-toi en pas. Stressée un peu, c’est tout.

- La job?

- Ouais, c’est ça. La job.

La job que tu me donnes. Les efforts que je fais. Pour avoir l’air naturel. Pour agir normalement. Pour être moi, pour être belle, pour être cool, pour être celle avec qui t’as du plaisir, comme toujours. Pour être celle qui t’aime mais que ça ne paraît pas trop. Pas tout de suite. Plus tard les révélations. Plus tard.

Pour l’instant, plus d’alcool.

- Un double martini s’il vous plaît.

À SUIVRE…

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Hiiiiiii!
La suite! La suite! : ))