09 juillet 2008

Un amour X-large pour emporter s’il vous plaît

La serveuse m’a amené mon double martini. J’ai sorti mon portefeuille de mon sac à mains pour régler la note, mais Jee s’est interposé en disant que c’est lui qui payait, puisque c’était à sa demande que nous étions venus là prendre l’apéro. En bonne fille des temps modernes que je suis, j’ai refusé que l’homme paye pour moi, trop orgueilleuse, trop fière, trop plein de choses niaiseuse, alors je me suis obstinée un peu avec lui.

- Ben non, c’est beau. Je vais payer mademoiselle.

- Arrête donc de faire ta féministe à deux sous là, c’est pas parce que je te paye un drink qu’automatiquement tu deviens soumise à moi et à tous les autres hommes! Tenez mademoiselle, gardez la monnaie.

- Non mademoiselle, redonnez-moi le dix dollars, prenez mon vingt à la place. Ça n’a rien à voir avec mon supposé féminisme à deux sous tu sauras, Jee Bédard!

- Ah non?!

Jee m’a arraché des mains le dix dollars que la serveuse avait consenti à me redonner, pour mieux le lui tendre à nouveau. J’ai poursuivi le petit manège en reprenant encore le billet des mains de la demoiselle qui commençait à être franchement exaspérée. Ses soupirs découragés soulevaient la mèche de cheveux qui pendait devant ses yeux. On aurait dit une mauvaise scène de film américain.

- Bon, décidez-vous là, j’ai d’autres clients à servir moi!

Elle a relâché le billet que j’étais en train d’essayer de lui arracher avec une force exagérée. Résultat : j’ai tiré inutilement fort sur le dix dollars, mon coude fut propulsé par derrière, pour atterrir exactement là où se trouvait le plateau rempli de bières et autres substances alcoolisées de la serveuse, à qui j’ai donné une nouvelle raison, encore meilleure celle-là, d’être frustrée. L’équivalent d’environ cent dollars de consommations s’est retrouvé sur le sol. Une marre de malt et de houblon liquides s’est formée sous mes pieds. Jee s’est mis à rire comme un perdu.

- Au moins ton martini lui est sain et sauf : tu pourras te saouler pour oublier ta honte!

Je n’ai rien répondu. Je me suis contentée de me précipiter aux toilettes pour éponger la bière qui s’était répandue sur ma robe et qui n’allait pas tarder à sécher et à empester le fond de tonne. C’est en m’affairant devant le miroir à frotter vigoureusement ma petite robe noire – semblable à celle qu’ils utilisent dans les pubs pour nous faire croire que l’anti-sudorifique qu’ils essaient de nous vendre ne tache pas les vêtements, mais on sait toutes que c’est n’importe quoi – que je me suis rendue compte que je n’avais toujours pas remis ladite robe à l’endroit. Assurément, je ne faisais qu’empirer ma condition, à chaque geste que je posais. On allait me couronner reine de la maladresse et de la stupidité d’ici minuit. J’aurais voulu volontairement gâcher cette soirée, je n’aurais pas trouvé meilleure tactique. L’avantage dans tout cela, c’était que vraiment, je ne pouvais pas descendre plus bas.

Et c’est quand on n’a absolument plus rien à perdre qu’on trouve généralement le courage d’agir. Je suis retournée dans le bar sans même prendre le temps de mettre ma robe du bon côté.

Le boss boy finissait de nettoyer mon superbe dégât et Jee, de se payer ma gueule.

- On s’en va.

- Mais t’as même pas pris une gorgée de ton double martini encore!

- J’ai pu soif. J’ai déjà en masse bu, mais au lieu d’être par la bouche, ça été par les pores de ma peau. Allez! Viens t’en!

- Ahh! J’t’adore toi! Toujours de l’humour, même dans les situations où t’as l’air complètement taré!

- Merci. Viens.

J’ai empoigné Jee et l’ai traîné jusque sur le trottoir, pendant qu’il rigolait et saluait les clients et les employés du bar, avec le même sourire idiot que Miss Connecticut sur son char allégorique.

- Bon. J’voulais voir de quoi avait l’air le nouveau bar : c’est fait. J’suis mieux d’en avoir profité, parce que j’pense ben que c’est la dernière fois que je mettais les pieds ici!

- De toute façon, ils vendent leurs drinks ben trop cher.

- T’as pas à chialer, t’as rien payé!

- Hey, c’est moi qui l’ai payé mon verre je te ferais remarquer monsieur, c’est pas toi!

- Non, c’est pas moi, mais c’est pas toi non plus : on a payé ni l’un ni l’autre, avec tout le tapage que t’as fait, la serveuse a été distraite et on a tous les deux gardé notre argent! Bonne technique!

- C’était pas volontaire.

- Essaye pas! Petite voleuse!

- J’suis pas une voleuse!

- Mais si! Une jolie voleuse!

- Bon, la ferme pis débarre les portières que je rentre.

- Woh! No way que tu t’assieds dans ma voiture imbibée de bière de même!

- Niaise-moi pas.

- J’te niaise pas! Tu vas te faire sécher un peu avant!

J’en avais assez. Il se foutait de ma gueule de plus en plus. Son petit sourire en coin me faisait chier. Quel con. Il voulait avoir le dernier mot? Eh bien pas question! Monsieur ne veut pas que j’entre dans sa bagnole avec ma robe pleine de bière? D’accord.

J’ai retiré ma robe, comme ça, en plein centre-ville, en plein jour, en pleine folie, en pleine arrogance, je ne pouvais pas laisser Jee gagner sur ce coup là.

Heureusement que j’avais pris soin de mettre mes plus beaux sous-vêtements avant de partir.

- Bon, je peux embarquer maintenant?

Jee n’a rien dit. Son petit sourire en coin a soudainement fait place à une bouche béate et à un regard désarçonné. Il a déverrouillé et j’ai pu aller me cacher dans l’auto. J’ai pris la couverture qui traînait sur la banquette arrière pour me recouvrir et j’ai gentiment fait un fuck you à un quinquagénaire qui passait par là et qui se montrait un peu trop excité par mon striptease improvisé. Jee, lui, n’en revenait pas encore, il avait toujours la main sur la poignée, ne se décidant pas à entrer.

- Tu viens?

-

-

- T’es complètement cinglée, tu le sais ça?

- Qu’importe. J’ai faim. Go.

- Tu comptes aller au resto en tenue d’Eve ou?

- Non. Pu envie d’aller au resto. Pourquoi on n’irait pas se chercher deux gros Schwartz’s bien gras qu’on pourrait bouffer sur la montagne après?

- On?

- Ok. Tu. Tu vas aller nous les chercher et moi je vais t’attendre dans le char, à moitié toute nue!

- Bon plan. Et quand je reviendrai, est-ce que tu te seras rhabillée, parce que là, j’suis pas sûr que la montagne soit autorisée aux naturistes!

- T’as ton linge d’entraînement dans le coffre?

- Oui.

- Ça sera ça ma tenue de soirée alors.

CONTINUONS LE SUSPENS…

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Mouahahashaha
Trop bon! T'as du gutssss ma fille! Wohooo! J'aime ça!!!

Encore une fois, j'ai très hâte de lire la suite!!! :))
Julie

Anonyme a dit…

Je préfère nettement ce récit à ta poésie! Je vais continuer de te lire... Désolée pour le mauvais commentaire de l'autre fois... c'était trop différent de ce à quoi j'étais habituée... Pour le suspence, chapeau! Je suis suspendue à mon écran ;o)

Mélissa Verreault a dit…

Eh bien, merci pour les commentaires!

Mais faut pas croire que j'ai arrêté d'écrire de la poésie pour autant hein:P

Je vais essayer de vous satisfaire en racontant des histoires punchées, tout en répondant à mon besoin d'expression poétique une fois de temps en temps...