12 juillet 2008

Suite et fin d’une histoire qui commence

On a garé la voiture au pied de la montagne et on a gravi cette dernière à la course. Je suis arrivée au sommet en premier, essoufflée comme un poisson rouge qui aurait tenté de dépasser une baleine – est-ce que ça se peut, être essoufflé quand on est un poisson? Qu’importe. Rendue en haut, les vêtements d’entraînement trop grands pour moi qui constituaient ma tenue de soirée étaient tout humides. Vraiment, on repassera pour le sex appeal. Je me suis accrochée au fait que les odeurs que l’on dégage naturellement, bourrées de phéromones, peuvent avoir un effet séducteur très puissant sur le sexe oppposé, histoire de me convaincre que j’avais encore des chances de charmer Jee ce soir-là…

- Putain, t’es en forme toi! Ou t’as triché et pris un raccourci?!

- Ni l’un ni l’autre. J’pouvais juste pas te laisser gagner! L’orgueil qu’on appelle. Une belle invention…

- Ouais, ça, je sais que t’en manques pas! Faut toujours que t’ailles le dernier mot, hein?!

- C’tu veux j’te dise…

- Rien.

- Rien, alors.

- Tu vois, tu peux pas t’empêcher de répondre, tu peux pas me laisser clore la discussion!

- C’est faux.

- Haha!

- Ok, peut-être que…

- Tu continues!

- Bordel…

- Arrête!

- Je..

- T’es pas game de fermer ta trappe!

Ça, c’est LA chose qu’il ne faut pas me dire dans la vie : t’es pas game. On pourrait me faire faire à peu près n’importe quoi juste en me disant que je ne suis pas game. J’y peux rien, je crois que c’est un défaut de fabrication que j’ai, mon cerveau se met à bouillonner quand il entend ça, mes glandes sécrètent de l’adrénaline en quantité industrielle, tous les muscles de mon corps se contractent et se mobilisent pour prouver à mon interlocuteur qu’il a tout à fait tort de croire que je ne suis pas en mesure de relever son défi.

Dans ce cas-ci, ce sont tous les muscles de mon visage qui sont entrés en service pour s’assurer que ma petite bouche ne s’ouvrirait plus. Je ne suis pas game de me fermer la trappe? Voyons voir.

Il y a plusieurs façons d’avoir le dernier mot; parmi elles, se taire est probablement la plus efficace.

- Bon! Je savais que si je te disais ça, tu allais te la boucler!

-

- Tu vas tenir longtemps tu penses?

-

- Moi je gage que tu peux pas faire plus que 2 minutes…38 secondes…et cinq huitième.

-

- Et je suis généreux!

-

- Tu peux pas t’empêcher de parler, petite pie!

-

Jee s’est mis à me chatouiller, simplement pour me provoquer. Le salaud. Mais j’allais tenir bon. J’allais tenir bon.

- Tu vas ben finir par crier pour appeler à l’aide!

Je suis la fille la plus chatouilleuse au monde. Vraiment. Mais j'allais tenir bon. J'allais tenir bon.

- Tu t’es mise dans de beaux draps ma jolie!

-

- Bon, le chatouillage n’est pas suffisant pour te faire réagir; je vais devoir trouver une technique plus adéquate!

-

- Qu’est-ce que tu dirais de ça?

Jee a collé ses lèvres contre les miennes. Il essayait d’enfoncer sa langue à l’intérieur de ma bouche, mais je tenais mes lèvres fermement closes, bien décidée à ne pas le laisser entrer. Ce n’est pas lui qui était supposé m’embrasser, c’est moi. Et ce n’est pas de cette façon là que ça devait se passer. On n’était pas censés s’embrasser juste pour dire, juste pour le kick, juste pour fermer la gueule à l’autre.

- Ok. Un point pour toi. Mais ce n’est que partie remise, traître. Les smoked meat vont être frettes, passe-moi le mien s’te plaît.

- J’ai gagné, j’ai gagné!

- Tu n’as aucun mérite. Tu as utilisé des armes illégales.

- Ah, parce que y’a une règle quelque part qui dit qu’on n’est pas supposés s’embrasser?

- Euh… oui! J’te rappelle qu’on est juste des amis, toi et moi. Malheu… euh, euh. (Éclaircissement de gorge, faire semblant qu’on s’étouffe un peu.)

- Malheureusement?

- J’ai pas dit ça.

- Je sais. T’as dit malheu… euh, euh. Ce qui, si je traduis, veut signifier «malheureusement».

- J’ai pas dit ça.

- T’as pas dit ça mais tu le pensais.

- Arrête là.

- Ben en tout cas, si toi tu le pensais pas, moi je le pensais.

-

Deuxième manière la plus efficace pour me faire fermer la gueule : s’appeler Jee et me dire qu’on trouve cela dommage de n’être que mon ami.

Regard confus, mains qui tremblent, bouche qui devient sèche soudainement. À quoi il joue, merde?

- À quoi tu joues merde?

- Pourquoi tu ne t’es pas laissé embrasser?

- Parce que c’est à peu près la seule limite qu’il y a entre nous Jee : on ne s’embrasse pas.

- Ok, mais t’en avais envie.

-

- Je le sais.

-

- Je sais que tu voulais qu’on parle ce soir.

-

- Je sais que tu sais pas comment me le dire…

-

- Mais que tu en meures d’envie…

-

- Veux-tu, je vais te faciliter la tâche?

- Avoueye donc!

- Mais faut que tu te laisses faire cette fois.

Et il a de nouveau collé ses lèvres sur les miennes. Or, cette fois, oui, je n’ai pas formé de barrage en pinçant le bec. Je me suis complètement abandonnée à ce baiser inattendu. À ce baiser inespéré.

- Tu vois, c’est meilleur quand tu ouvres la bouche!

- Qu’est-ce qu’on est en train de faire là?

- De s’embrasser.

- Oui, ça, j’avais remarqué. Mais pourquoi tu m’embrasses, Jee?

- Parce que j’en ai envie et toi aussi.

- Envie, d’accord, mais envie de quoi au juste?

- J’ai envie d’être ton chum. J’ai envie d’être celui que j’ai toujours été pour toi, mais le petit bonus en plus! J’ai envie de te tenir par la main dans la rue. J’ai envie de t’amener souper chez mes parents en leur disant «Tadam, voici ma nouvelle blonde!» et qu’ils fassent le saut lorsqu’ils vont se rendre compte que c’est toi. J’ai envie que tu m’appartiennes, parce que j’suis tanné d’être jaloux des gars que tu ramènes des bars les vendredis soirs. J’ai envie que tu ne sois plus obligée de te taper un mec différent tous les week-ends pour te sentir femme et attirante, j’ai envie qu’il y ait juste un homme dans ta vie pis que ça soit moi.

-

- Veux-tu?

- Dis donc, as-tu volé cette réplique là à Freddy Prince Jr ou quelqu’un dans le genre, dans un de ces fameux films de fille?!

- Non, c’est Freddy qui m’a volé mon punch dans son dernier mauvais, très mauvais film.

- Ah, ok. J’étais pas sûre si c’était lui qui avait dit ça ou Matt Damon...

- Bon, t’as fini de parler cinéma là, et tu me frenches?

Je ne pouvais rien répondre à cela, que le plus sensuel baiser que j’étais capable de donner.

Je crois qu’on s’est embrassés comme ça pendant à peu près deux heures. Les smoked meat ont eu le temps de devenir froids au moins trois fois. Mais ce n’était pas très grave, on n’avait plus vraiment faim.

Le reste de la soirée s’est déroulé sans paroles, ou à peu près. Les seuls mots utilisés furent ceux du cœur. Et les seuls gestes posés, ceux de deux corps qui enfin se sont trouvés.

***

FIN DE L’ÉPISODE

Nota bene : je pars en vacances trois semaines, alors ne vous surprenez pas si je ne donne pas beaucoup de nouvelles…

Pendant ce temps, profitez du beau temps, au lieu de surfer sur le web!

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Wow! Très belle finale...
On dirait un film! ;)))

Cindy a dit…

il savait tout ça comme ça lui?? Juste parce que ou parce que tu avais oublié de raccrocher le téléphone pendant que t'étais en petites culottes et en soutien-gorge et que tu pratiquais ta sortie??
Palpitant!!