07 octobre 2009

LA MAIN DROITE

Un extrait de mon roman. Y'avait longtemps, non? Moi-même, ça faisait plus d'un mois que je n'y étais pas retournée à ce texte, trop prise ailleurs.

Je suis heureuse d'en relire des passages et de ne pas trouver ça trop mauvais! À vous de juger maintenant...

N.B. Les plus attentifs d'entre vous remarqueront que ce chapitre est inspiré d'une histoire que j'avais déjà racontée sur ce blogue...


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LA MAIN DROITE


Une note laissée sur le réfrigérateur – café frais, croissants, jus d’orange, rentrerai tard. Papa est parti très tôt pour le travail, la maison est froide; il tient toujours la température des pièces au minimum. Le froid est dans nos têtes qu’il prétend. Il y a quelque chose de poétique dans cette façon de nier la réalité, les sensations. Deux paires de bas de laine aux pieds, je me dis que ce serait bien parfois si la poésie ne se contentait pas de réchauffer le cœur, mais aussi les orteils, au passage. Pourquoi papa s’obstine à garder cette maison trop grande pour lui? On partage la même peur, au fond : celle de quitter un corps connu par cœur. Appelle-moi s’il y a quoi que ce soit, que mentionnait aussi la note – ce que je fais. J’ai besoin d’une conclusion à la discussion que nous avons entamée hier.

- Je peux te poser une question?
- Bien sûr.
- Personnelle.
- Ok.
- Pourquoi tu as trompé maman?
- …
- Parce que tu ne l’aimais plus? Que tu ne la trouvais plus attirante? Que c’était plus fort que toi?
- Non.
- Pourquoi?
- Écoute, je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à cette question.
- Tu ne connais pas la réponse toi-même, c’est ça?
- Peut-être. Mais… c’est surtout que… j’ignorais que tu savais tout ça. C’est ta mère qui t’as raconté?
- Papa, j’avais onze ans quand c’est arrivé. J’étais jeune, pas stupide.
- Ce n’est pas ce que je voulais dire. Tu me prends un peu au dépourvu.
- Une fois, c’était un dimanche après-midi, je m’en souviens, tu pleurais dans ta chambre. Je crois que tu parlais à ton frère. Tu t’accusais d’avoir bousillé ton mariage. Je passais dans le corridor, la porte était entrebâillée. J’ai entendu.
- Je m’excuse.
- Pourquoi?
- Que tu aies appris ça. De cette manière. Et de l’avoir fait. Je m’excuse.
- Ce n’était pas le but de ma question, mais d’accord.
- Tu as trompé ton copain?
- Non. Je ne sais pas. Je crois que je vais partir, pour un petit bout de temps. J’en ai besoin.
- Tu peux rester à la maison tant que tu veux.
- Oui, mais ça ne sera pas suffisant. Je te rappelle bientôt, promis.
- Je t’aime.

Alors que j’éloigne le téléphone de mon oreille, un aveu lancé, comme une fusée un jour où l’univers est clément et le soleil au zénith. Je comprends son sens au moment où le combiné touche la base de l’appareil. L’explosion des moteurs empêche de réfléchir. L’univers c’est trop grand, on va se perdre. Pas pu lui dire moi aussi. Jusqu’à aujourd’hui, ma seule main gauche suffisait pour marquer le nombre de fois où je l’avais entendu prononcer ces mots. Dorénavant, il me faudra également utiliser la droite pour tenir le compte.

2 commentaires:

LeDZ a dit…

Solide...
S-O-L-I-D-E !!!

Mélissa Verreault a dit…

Merci monsieur LeDZ!

Faisait longtemps que vous aviez pas laissé un p'tit message ;)