13 août 2009

LE CYCLE

Extrait du roman, toujours. Roman dont je suis en train de compléter la deuxième version finale. Alors pardonnez mon absence dans cet espace virtuel.

Et c'est aussi que dehors le soleil brille et que je suis de celles qui tâchent d'en profiter...

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LE CYCLE


J’ai la nausée depuis trois matins. Au restaurant, je m’assois toujours à la même banquette. La première chose que l’on tente de recréer une fois qu’on est enfin sorti de celle qui nous asphyxiait, c’est une routine. Je mange un gruau. Un gamin me tire une grimace à travers la vitre. Je l’observe classer ses billes par couleurs, puis par ordre de grandeur. Il les aligne dans la craque du trottoir. Les passants enjambent la forteresse en soupirant et l’enfant s’en fout. Je l’envie – autant de soins apportés à une entreprise éphémère. Sa mère sort de la boulangerie, il est temps de partir. Il remet tout dans son sac. En désordre.

Midi approche, le vagabond ne devrait pas tarder. Chaque jour, à cette heure, il vient disséquer le contenu de la poubelle juste en face de ma banquette. À sa manière, il met de l’ordre, lui aussi. Au cœur de tout ce qui est devenu inutile pour d’autres, il trouve de quoi survivre. Je l’ai appelé Jacques. Il aurait pu être mon père. Je me prends à imaginer que quelqu’un fera avec mon ancienne vie ce que Jacques fait avec les restes de déjeuner – tombera dessus par hasard au coin d’une rue, la ramassera et lui donnera un nouveau sens.

Jacques a les mains gercées, mauves, rouges, il fume des mégots rabougris. Près de l’arrêt d’autobus, il trouve une cigarette presque intouchée, laissée là par quelqu’un qui pensait avoir le temps de la griller avant l’arrivée de l’autobus. Il est passé à l’avance. La cigarette écrasée du bout du pied. On estime souvent bien mal le temps qu’il nous reste. On jette tout sans avoir pu aller jusqu’au bout.

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