24 août 2009

Ne jamais dire jamais la bouche pleine

Je suis nue dans la cuisine et bois un jus d’orange couleur soleil, debout devant la porte ouverte, qui donne sur un ciel gris funérailles. Le jour, quand toutes les lumières sont éteintes, on voit moins bien à l’intérieur. Je me sens protégée par la noirceur diurne, mais je sais que ce n’est qu’une illusion réconfortante. On me voit. Je suis nue, flambante, la peau moite et brûlante, et le monde entier a les yeux tournés vers mon cadavre en flammes. Je ne suis à l’abri d’absolument rien et n’est invisible que ma douleur, que j’ai toujours si bien su cacher.

La porte est ouverte parce que le chat voulait sortir et parce que j’ai souhaité vraiment très fort qu’en lui laissant le passage libre, le vent s’engouffrerait dans l’appartement et balaierait les miettes d’amour détruit qui traîne sur le plancher de bois franc. Bien plus franc que moi. La franchise. J’en ai manqué. Me suis mentie jusqu’à me croire.

La radio crache une musique triste, une chanson qui dit New York, qui dit départ, une chanson de retours improbables. Je ne sais pas, moi-même, quand je vais revenir. Revenir de ma peine, de ma noyade en tristesse d’eau douce.

Je lui ai ouvert la porte, mais le chat ne sort pas. Il reste dans l’embrasure, à miauler comme un enfant qui ne veut plus naître finalement. Vas-y dehors, arrête de me regarder comme ça, que je lui dis. Mais il continue de me dévisager avec ses yeux de félin serpent. Deux billes vertes avec, au centre, une ligne si mince que vraiment, on se demande comment la lumière peut réussir à s’y infiltrer. La lumière trouve toujours son chemin, peut-être est-ce cela que le chat essaie de me dire. Il ne bouge pas, confortable il faut croire. À cheval, sur le seuil, entre dedans et dehors.

Mes yeux se ferment pour que tu disparaisses une fois pour toute, que mon corps arrête de se déchirer dès qu’il pense au tien – tes mains, tes épaules et toutes ces autres parties de toi que je n’aurai jamais pu posséder. Parce qu’il y avait des limites à respecter. Je ne veux plus qu’il y ait de frontière, jamais.

Je ne veux plus être en amour. Jamais. Il ne faut jamais dire jamais, je sais. Mais il ne faut jamais s’amouracher de son meilleur ami non plus, et j’ai commis cette erreur. Alors à partir de maintenant, j’ai le droit de faire ce que je veux. Sauf peut-être me laisser mourir. Car qui s’occuperait du chat, pendant mon absence?

2 commentaires:

Maiden a dit…

Est-ce une histoire vécue par Sophie B. seulement?

Mélissa Verreault a dit…

J'imagine qu'elle est vécue par beaucoup trop de gens. Pas juste Sophie B., non.