28 mai 2007

Plaisir coupable



Tout à l’heure j’ai passé sept minutes dans les portes tournantes de la station de métro Bonaventure. À faire des ronds parfaits. À m’exciter le mal de cœur. À m’étourdir le cerveau et à rendre flou tout ce qu’il y avait autour. J’avais besoin d’une sensation extrême, d’un plaisir-douleur qui fait oublier ce à quoi on ne veut justement plus penser. D’un divertissement. Qui ne coûte pas trop cher.

Fauchée.

J’ai dû arrêter mes trois cent soixante degrés en boucle parce que le garde de sécurité n’appréciait pas trop que je transforme les portes d’entrée de sa station de métro en manège débile. D’après moi, c’était un quadragénaire frustré qui n’a jamais eu la permission d’aller à la foire du village quand il était jeune parce que sa mère prétendait que ce n’était que des «indigènes» qui se tenaient là. Par «indigènes» elle voulait dire «gitans», mais c’était une dame qui n’avait pas beaucoup de vocabulaire. Et très peu d’ouverture d’esprit. Voilà, je suis convaincue que ce fut à ce genre d’enfance qu’a été confronté mon garde de sécurité essetéhèmien et que c’est à la suite de ce traumatisme freudien qu’il a décidé de devenir chiant. Il aurait pu me laisser tranquille, merde. Qui est-ce que je dérangeais avec mes rotations sur moi-même, mon inoffensif tour complet du nombril? Le surplace n’est pas interdit par la loi à ce que je sache. Et c’est pas parce qu’il a raté sa vie qu’il est obligé de m’empêcher de réfléchir à la mienne en paix.

Et moi, je réfléchis mieux lorsque je suis en mouvement. D’avancer physiquement permet à mes idées d’avancer elles aussi. Elles ont besoin de se sentir appuyées par tout mon corps, autrement, elles ne débloquent sur rien.

Cette fois, c’est sur un bel entrepreneur fin vingtaine qu’elles ont débouché. Le choc a été brutal. C’est que je lui ai vraiment rentré dedans au pauvre homme. «Fais attention poufiasse. T’as mis du café partout sur mon veston.» Pas très poli le businessman. C’est sûrement pas avec des belles paroles qu’il gagne ses millions. «Désolée…» Désolée? En fait, je ne sais même pas pourquoi je me suis excusée, car à bien y penser, c’est lui qui m’a foncé dessus. Le con. Et moi, la conne. Avec cette manie que j’ai de toujours essayer de me faire pardonner alors que ce sont les autres qui sont dans le tort.

Rendue au tourniquet – encore des trucs qui tourne –, j’ai dû constaté que j’avais oublié mon laisser-passer de métro chez moi. Évidemment, pas un sous dans les poches. J’ai négocié ardemment avec le guichetier pour qu’il me laisse passer gratuitement, mais le fait que je lui enchaîne six excuses complètement différentes l’une à la suite de l’autre n’a pas dû m’aider à le convaincre de mon honnêteté. Il aurait pu au moins me remercier pour le show et me laisser passer ni vue ni connue. Mais non. Je crois que l’antipathie fait partie des critères d’embauche à la ville de Montréal.

Je devrais songer à prendre des cours de négociation avec Lucien Bouchard ou avec Claude Poirier. Histoire de réussir à obtenir ce que je veux une fois de temps en temps. Ou au moins une partie de ce que je veux. Ou mieux, de savoir ce que je veux…

Je suis sortie par l’autre extrémité de la station de métro et je me suis payé un autre petit voyage dans les portes tournantes, à l’abri des regards indiscrets de l’agent anti-manège. Juste un petit deux minutes cette fois. Un cent vingt seconde de réflexion égocentrique. Résultat de la méditation? Je n’avais pas d’autres choix que de marcher pour me rendre là où je voulais aller.

Sous la pluie, évidemment.

1 commentaire:

mystère D'om a dit…

Salut S, ça va?

Tu vas pu voir tes mails? T'avais dit oui pour la journée 'hasard' que je t'avais proposée. Si tu veux pas, t'a qu'à me le dire. tk...

J'ai eu plus d'idées pour la journée, ce serait pas juste tirer du pile ou face. Je t'expliquerai ça.

A+
xx