01 décembre 2009

ADIEUX

F. revient demain. J'en suis presque à compter les secondes me séparant de lui tellement j'ai hâte. En attendant son retour, j'essaie de me concentrer sur mon travail, lequel consiste à apporter les dernières retouches à mon roman. J'ai décidé d'en partager un nouvel extrait avec vous, que je considérais de circonstance.

En passant, un extrait de ce fameux roman sera publié dans la prochaine édition de la revue ZINC, qui devrait sortir au courant des prochains jours. (Ne cherchez pas Sophie Beaudoin dans la liste des auteurs cependant, car vous risquez de chercher longtemps. Les plus perspicaces d'entre vous sauront découvrir quel est mon vrai nom en achetant la revue...) J'espère que vous serez nombreux à aller vous en procurer une copie. Je n'en retirerai pas plus de bénéfices, mais la revue oui, et il faut encourager les revues littéraires, surtout celles qui donnent la chance à de jeunes auteurs de se faire connaître.

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ADIEUX

Ce voyage tire à sa fin. Je n’ai pas prévu de date de retour, mais je sens qu’elle approche. Ce matin, à la librairie, c’est cette phrase que j’ai inscrite dans l’agenda : Pourquoi ici plutôt qu’ailleurs, puisque, à défaut d’être partout, exister sera toujours n’être que là, puis un peu plus loin, et enfin d’être nulle part ? Je pense que ce sont là des mots adéquats pour ce qui se termine. David a dû percevoir que certaines choses allaient changer dorénavant, que nous ne nous reverrions pas aussi souvent et peut-être même plus jamais – il avait une mine plutôt triste. Il m’a dit c’est beau ce que vous portez aujourd’hui, ça vous va bien. J’ai répondu merci en souriant. J’avais ces vêtements sur le dos presque tout le temps. Mais aujourd’hui ils me vont bien.

J’ai fait une dernière promenade dans les environs de l’hôtel. Cet endroit ne va pas me manquer, parce que je continuerai de le porter en moi encore longtemps. Je ne compte pas y revenir. Cette partie de la ville appartient réellement à un autre pays et il me coûterait trop cher d’y remettre les pieds. Il faut apprendre de ses erreurs, mais également de ses bons coups – éviter de reproduire les bonheurs anciens. La joie n’a de sens que maintenant.

Sylvie m’a servi un dernier repas tout à l’heure. J’en ai savouré chaque bouchée, en prenant bien soin d’en laisser une au fond de l’assiette, comme pour m’assurer qu’encore plusieurs bonnes choses m’attendraient, même après avoir conclu ce périple. Sylvie ne m’a rien chargé pour mon dîner – c’est la maison qui invite. La maison : un autre indice qui me forçait à croire qu’il était temps pour moi de rentrer.

J’ai regagné la chambre pour aller faire mes bagages. Il ne me reste plus grand-chose de la vie précédente. Tant qu’à trimbaler une valise à moitié pleine, j’ai décidé de la vider complètement. J’ai laissé les quelques vêtements achetés à la friperie, le guide de la motocyclette et deux ou trois autres babioles dans la commode à côté du lit, n’ai conservé que les cartes postales et l’appareil photo. J’y ai fait tellement d’espace que la valise est maintenant ronde comme le ventre d’une femme enceinte et quand je colle l’oreille dessus, je peux entendre l’espoir qui grouille. Cette nuit sera ma dernière dans cette chambre. Cette nuit sera ma dernière tout court. Demain le jour commence.

- Papa, c’est moi. Je voulais te dire, je reviens de voyage demain. J’aimerais bien pouvoir aller passer quelque temps chez toi.
- Bien sûr, tu sais que tu es toujours la bienvenue. Tu veux que j’aille te chercher à l’aéroport ? Je peux me libérer sans problème, t’as qu’à me dire à quelle heure.
- Merci papa, mais ça ne sera pas nécessaire. Je me suis déjà arrangée autrement.

Maintenant que les détails de mon retour sont réglés, ne me reste plus qu’à attendre que demain vienne. Pour la première fois depuis que je suis ici, j’aurais bien aimé regarder la télévision, pour graduellement revenir au monde, reprendre contact avec lui, sauf que la télécommande est toujours portée disparue. Mais parfois, c’est étrange, il suffit de penser à une chose ou à une personne pour qu’elle apparaisse. Je me lève pour aller déposer la valise près de la porte, qu’elle soit prête à partir, et j’entends un objet percuter le sol. Je regarde sous le lit et vois la télécommande faire comme si elle avait toujours été là. Moi qui ai fouillé partout à sa recherche, ouvert tous les tiroirs, toutes les portes d’armoire, vérifié dans la garde-robe, sous le lit au moins cinq fois, sans résultat. Elle devait être prise entre les draps et le matelas et c’est maintenant qu’elle décide de se libérer.

Je n’en retiens qu’une chose : regarder sans chercher reste la seule manière de trouver.

6 commentaires:

marie a dit…

J'ai trouvé ton texte "La vie en bleu" absolument magnifique. Je tenais à ce que tu le saches, vraiment.

Mélissa Verreault a dit…

En voilà une qui est bien connectée: la revue sort en kiosque uniquement demain et tu l'as déjà lue?! :P

Bien heureuse que tu aies aimé mon texte, ça me touche...

marie a dit…

Disons que j'en ai reçu deux exemplaires par la poste, un peu comme toi peut-être :)

Félicitations encore.

Mélissa Verreault a dit…

Ah ben, ah ben!

Je vais donc pouvoir déduire plein de choses maintenant :)

Bravo à toi aussi!

hiennon a dit…

Je viens de découvrir ton blogue hier et j'adore !! J'adore la façon dont tu alignes les mots pour créer images et émotions. C'est un pur délice..

En attendant la suite de tes aventures, je vais retourner éplucher tes premiers billets.. :)

Anonyme a dit…

Où es-tu passé, on s'ennuie!